Burundi : Pierre Claver Mbonimpa… outragé, brisé, libéré

Détenu pour atteinte à la sûreté de l’État, le grand défenseur burundais des droits humains Pierre Claver Mbonimpa a, le 29 septembre, quitté la prison centrale de Bujumbura pour raisons médicales.

Pierre Claver Mbonimpa avec Ben Knapen, secrétaire d’État néerlandais aux Affaires européennes. © FRANK VAN BEEK / ANP / AFP

Pierre Claver Mbonimpa avec Ben Knapen, secrétaire d’État néerlandais aux Affaires européennes. © FRANK VAN BEEK / ANP / AFP

Publié le 7 octobre 2014 Lecture : 3 minutes.

Après plus de quatre mois d’emprisonnement, Pierre Claver Mbonimpa, 65 ans, a été mis en liberté provisoire. Le célèbre défenseur des droits humains se remet, à l’hôpital, d’un séjour carcéral éprouvant : souffrant d’une maladie chronique, il a obtenu, après six demandes, sa libération provisoire pour raisons médicales. C’est seulement à l’issue d’une importante campagne de soutien que la requête a été entendue – Barack Obama lui-même a demandé sa libération, le 24 septembre, lors de la réunion annuelle de la Clinton Global Initiative. Le gouvernement burundais nie, pour sa part, avoir cédé à une quelconque pression des bailleurs de fonds internationaux.

Celui qu’on surnomme le Mandela burundais fait les frais d’une politique répressive qui se répand dans le pays à mesure que l’élection présidentielle de 2015 approche. Le 15 mai, le président de l’Association pour la protection des droits humains et des personnes détenues (Aprodh) est arrêté à l’aéroport de Bujumbura. Il est ensuite poursuivi pour atteinte à la sûreté de l’État.

Le militant avait affirmé détenir les preuves que les Imbonerakure étaient entraînés militairement en RDC.

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Quelques jours auparavant, le militant avait affirmé à la radio détenir les preuves que les Imbonerakure (la ligue des jeunes proches du parti du président, Pierre Nkurunziza), qui font pression sur les opposants et les journalistes et multiplient les exactions, étaient entraînés militairement en RD Congo. Le gouvernement a toujours laissé la question des entraînements de ce groupe dans le flou, et ce en dépit des demandes répétées de la société civile.

Le soutien de nombreux Burundais

Mais Mbonimpa n’est pas le seul à subir des pressions judiciaires. En mars, 21 personnes avaient été condamnées à la prison à perpétuité, 24 autres à des peines allant de cinq à dix ans : des "rebelles", membres pour la plupart du Mouvement pour la solidarité et la démocratie (MSD, opposition). Leurs avocats ont fait appel. Parmi eux, Armel Niyongere, par ailleurs conseil de Mbonimpa, qui explique : "Les juges sont sous pression. Le ministère de la Justice s’immisce dans les dossiers sensibles, si bien qu’ils n’osent plus traiter ces affaires ou obéissent aux ordres."

Très populaire, Mbonimpa a reçu le soutien de nombreux Burundais. À défaut de manifestations (la mairie de Bujumbura les considérant comme "insurrectionnelles"), ses sympathisants ont organisé une campagne nommée "vendredi vert", arborant chaque fin de semaine des vêtements de la couleur de l’uniforme des détenus. Le jour où Mbonimpa a été transféré à la prison centrale de Mpimba, "les prisonniers l’applaudissaient à tout rompre et criaient : "Président !"", se souvient son avocat.

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Un défenseur des prisonniers

Pour cet homme malade, les conditions de détention ont été difficiles, mais il a pu compter sur le soutien des autres prisonniers. Il faut dire qu’il a déjà passé deux ans, de 1994 à 1996, dans la prison centrale de Bujumbura, en pleine guerre civile. Il avait alors créé l’Association pour la défense des droits des prisonniers (devenue l’Aprodh en 2001) avec deux de ses codétenus. Depuis lors, cet ancien fonctionnaire du ministère de l’Économie n’a pas cédé, en dépit des menaces de mort.

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À sa sortie, il s’est adressé au gouvernement et au système judiciaire burundais : "Celui qui m’a emprisonné gratuitement, je veux lui dire que je vais continuer de le dénoncer jusqu’à ce qu’il soit poursuivi en justice. Je vais continuer de servir la voix des sans-voix. Il faut que les juges respectent le code pénal et ne disent que la loi."

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