Bénin : pourquoi Sébastien Ajavon poursuit l’État et lui réclame 250 milliards de F CFA

En novembre 2016, l’ancien candidat à la présidentielle et homme d’affaires était dans le box des accusés car 18 kg de cocaïne avaient été retrouvés dans un conteneur appartenant à sa société. Aujourd’hui, c’est lui qui attaque l’État béninois pour avoir attenté à ses droits et à sa réputation. Un préjudice qu’il évalue à 250 milliards de francs CFA, soit 380 millions d’euros.

Le siège de campagne de Sébastien Germain Ajavon à Cotonou, au Bénin, le 24 février 2016. © Gwenn Dubourthoumieu pour J.A.

Le siège de campagne de Sébastien Germain Ajavon à Cotonou, au Bénin, le 24 février 2016. © Gwenn Dubourthoumieu pour J.A.

Fiacre Vidjingninou

Publié le 12 avril 2017 Lecture : 3 minutes.

Il n’y va pas de main morte. Dans la même semaine, Sébastien Ajavon soumet l’État béninois à deux assignations coup sur coup. En effet, le mardi 4 avril 2017, il porte une première plainte devant le tribunal de première instance de Cotonou pour « dénonciation calomnieuse tendant à nuire à sa réputation » dans l’affaire des 18 kg de cocaïne découverts dans un des conteneurs de sa société Comon Cajaf au port de Cotonou.

Dans sa plainte déposée contre X, l’opérateur économique fustige notamment le fait d’avoir été arbitrairement détenu à la Compagnie de gendarmerie de Cotonou durant toute une semaine. Selon ses avocats Maîtres Yaya Pognon et Issiaka Moustapha, toute cette « manœuvre tendait à salir principalement son image de marque ».

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La même semaine, toujours via ses deux avocats, le roi de la volaille a saisi la Cour africaine des droits de l’Homme et des peuples (CADHP) concernant des dysfonctionnements dans la procédure : son arrestation au port, sa détention par la Compagnie de gendarmerie, jusqu’aux agissements du Parquet de Cotonou.

le plaignant estime que les accusations portées à son encontre ont lourdement pesé sur sa crédibilité

L’homme d’affaires estime que ses droits ont été violés, notamment le droit à un procès équitable garanti par l’article 7 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples. Par exemple, pour les avocats, la prorogation de la garde à vue de Sébastien Ajavon a été décidée « sans preuve ». Au-delà de la violation de ses droits, le plaignant estime que les accusations portées à son encontre ont lourdement pesé sur sa crédibilité vis-à-vis de ses partenaires d’affaires et que cela a eu pour conséquence le ralentissement de ses activités commerciales.

L’homme d’affaires évalue tout le dommage qu’il en a subi à la somme de 250 milliards de francs CFA. Au point que, en février, il avait quitté le conseil d’administration du groupe qu’il a fondé, Comon SA, pour préserver l’image de son entreprise.

« La main de l’exécutif a pesé »

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Pour ses avocats, « il est sans équivoque que la main de l’exécutif a pesé dans le dossier. Et cette main avait un seul objectif : écarter un rival politique devenu trop gênant puisque trop populaire ».

Du côté du gouvernement, on se refuse à tout commentaire. Même si les journaux réputés proches de la présidence ont vertement dénoncé cette procédure judiciaire engagée par Ajavon, l’accusant de vouloir se nourrir des les maigres ressources de l’État, ou lui rappelant opportunément le « pardon » qu’il a accordé la nuit de sa libération sur les parvis de l’église St Michel de Cotonou.

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L’affaire des 18 kg de cocaïne avait été jugée le 4 novembre 2016 par le tribunal de première instance de Cotonou. Au terme d’une audience de plus de 10 heures, Sébastien Ajavon avait été relaxé pour « insuffisance de preuves » et « au bénéfice du doute ». Cette affaire avait mis au grand jour la déliquescence des relations entre les deux alliés de la dernière présidentielle au Bénin en 2016.

Arrivé en troisième position au premier tour de ce scrutin, Ajavon, en faiseur de roi, avait soutenu Patrice Talon, l’actuel président béninois contre un accord de participation à la gestion du pays. Un accord qui lui garantirait, entre autres, la moitié des postes ministériels ; mais il n’obtiendra que trois ministères (communication, agriculture, enseignement secondaire) sur lesquels il n’a aucune mainmise puisque ces derniers sont « gérés depuis la présidence ».

Le précédent Talon/Yayi 

Dans la conscience collective à Cotonou, les dommages et intérêts salés demandés par Sébastien Ajavon rappellent la sentence rendue par la Cour commune de justice et d’arbitrage d’Abidjan le 13 mai 2014.

L’État béninois avait été condamné à verser 142 milliards de francs CFA à un certain Patrice Talon dans le cadre d’un contrat lié au Programme de vérification des importations (PVI), unilatéralement annulé par le gouvernement de Boni Yayi.

Officiellement, Talon a renoncé à récupérer son dû. L’histoire nous dira si Ajavon aura, éventuellement, le même fair-play vis-à-vis du Trésor public du Bénin.

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