Homosexualité : l’Ordre des médecins tunisiens opposé à l’usage du test anal, un « exemple » à suivre selon Human Rights Watch
« Les ordres de médecins d’autres pays devraient s’inspirer de cet exemple » affirme l’ONG Human Rights Watch dans un communiqué paru ce mercredi. Elle évoque le recours au sujet du recours en Tunisie à des examens anaux pour déterminer l’homosexualité d’une personne.
« Acte de torture », « humiliation », « atteinte à la dignité […] cruel et dégradant », « examen de la honte ». Depuis plusieurs années, des associations et militants nationaux et internationaux dénoncent la pratique du test anal en Tunisie, appelant à l’abrogation de l’article 230 du code pénal. Promulgué sous la colonisation française en 1913, celui-ci punit la sodomie d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison.
Suite à de nouvelles arrestations en mars pour « délit d’homosexualité », le Conseil national de l’Ordre des médecins de Tunisie a publié le lundi 3 avril un communiqué appelant les médecins à cesser de procéder à de tels examens en l’absence de consentement.
« Tout médecin requis pour examiner une personne dans le cadre d’une expertise, et notamment si elle est privée de liberté, doit respecter sa dignité, et ce conformément à l’article 23 de la Constitution et aux articles 7 et 74 du code de déontologie médicale », précise ce communiqué. « L’Ordre des médecins […] condamne ainsi fermement tout examen médical non justifié et/ou touchant à la dignité et à l’intégrité physique ou mentale de la personne examinée ». Ajoutant que les médecins doivent désormais informer les patients de leur droit de refuser l’examen.
Encourageant mais insuffisant
Une déclaration qui « marque un jalon vers la fin de ces tests dégradants, discriminatoires et non scientifiques censés établir la preuve de comportements homosexuels » pour Human Rights Watch. « Il est encourageant de voir les médecins tunisiens ouvrir la voie. Les ordres des médecins du monde entier, ainsi que les organismes d’application des lois et autres organismes gouvernementaux devraient suivre cet exemple », souligne Neela Ghoshal, chercheuse auprès de la division LGBT de l’ONG.
Encourageant, mais pas encore suffisant, puisqu’en cas d’arrestation pour homosexualité, le consentement ne pourra le plus souvent être « libre et éclairé ». En raison de « leur absence de scientificité, le recours à des examens anaux pour déterminer un comportement homosexuel consensuel devrait cesser complètement, indépendamment de la question du consentement », ajoute Human Rights Watch. D’autant que beaucoup finissent par accepter de se faire examiner « sous la pression de la police, de crainte qu’un refus ne soit retenu contre eux, ou persuadés qu’ils sera disculpés ».
« Torture et atteinte à la déontologie médicale »
L’association Shams, une association de défense de la communauté LGBTQ tunisienne, appelle pour sa part le Conseil de l’Ordre des médecins à poursuivre disciplinairement tout médecin procédant à ce type d’examen pour « torture et atteinte à la déontologie médicale ».
Lors de ces examens « invasifs et humiliants, qui s’appuient sur des théories discréditées du 19e siècle », des médecins ou des personnels de santé « introduisent de force leurs doigts et parfois des objets dans l’anus de l’accusé », souvent devant des policiers au comportement violent, explique Human Rights Watch.
« Ce qui révulse le plus, c’est lorsque tu entends un médecin, avec tout son prestige de médecin, s’adresser à un inculpé de sodomie en lui disant ‘baisse ton pantalon, tu n’es pas un homme ; tu es un enculé, rien d’autre’ » s’insurge Bouhdid Belhedi, chargé de communication de Shams, dans le documentaire Au pays de la démocratie naissante partagé fin mars.
« Pour en finir une fois pour toutes avec les examens anaux forcés en Tunisie, la police devrait cesser d’ordonner ces examens et les tribunaux devraient refuser d’admettre les résultats comme éléments de preuve », poursuit Neela Ghoshal.
En mai 2016, le Comité des Nations Unies contre la torture a condamné le recours à des examens anaux en Tunisie, suivi en janvier 2017 par le Service européen pour l’action extérieure, qui a demandé à la Tunisie de mettre immédiatement fin à de telles pratiques.
Dans un rapport déposé en septembre auprès du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unies, en vue d’un examiné en mai 2017, un collectif d’associations tunisiennes réclame également la fin des discriminations envers les LGBT.
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