RDC : une proche de Kabila impliquée dans un scandale de passeports biométriques
Le passeport congolais est parmi les plus chers au monde. Selon l’agence Reuters, Makie Makolo Wangoi, une proche du président Kabila, possède une compagnie basée aux Emirats arabes unis qui récupère une partie du coût de ce passeport, largement surestimé.
Le coût d’un passeport en RDC est parmi les plus élevés au monde : il coûte 185 dollars à chaque personne qui en fait la demande. À titre de comparaison, c’est moitié moins au Royaume-Uni et environ 110 dollars aux États-Unis.
Mais selon une longue enquête de l’agence Reuters publiée ce week-end, sur ces 185 dollars, le gouvernement congolais en récolterait à peine 65. L’essentiel de l’argent irait à Semlex, une entreprise basée en Belgique et qui produit les documents de voyage, ainsi qu’à une autre petite compagnie basée à Ras Al Khaimah, aux Émirats arabes unis, LRPS.
Celle-ci récupèrerait 60 dollars sur chaque passeport congolais, en vertu des termes de l’accord négociés par le gouvernement congolais et LRPS. Or, selon Reuters, cette compagnie appartiendrait à une certaine Makie Makolo Wangoi, « dont on pense qu’elle est très proche du président Joseph Kabila » d’après l’agence.
On sait peu de choses sur cette dernière, si ce n’est qu’elle possède des parts dans plusieurs compagnies appartenant à des membres du clan Kabila. Dans deux de ces compagnies − Shaba Impex et Shaboil − elle est enregistrée sous le nom de Makolo wa Ngoy Kabila.
Il s’agirait selon plusieurs sources d’une des nombreuses sœurs du président Kabila : elle est d’ailleurs présentée comme telle dans la longue enquête que l’agence Bloomberg consacrait au poids de la famille Kabila en décembre dernier. Selon d’autres sources, il pourrait s’agir plutôt d’une nièce du président.
De 20 à 185 dollars le passeport
Fondé en 1992, le belge Semlex s’est imposé en vingt ans en leader du marché du passeport biométrique sur le continent. Son PDG n’est autre qu’Albert Karaziwan, un Belge d’origine arménienne né à Alep et dont l’empire financier s’étend de l’immobilier à la restauration.
Entre octobre 2014 et juin 2015, Albert Karaziwan s’engage dans une série de négociations avec le gouvernement belge afin de décrocher un contrat pour fournir des passeports à la RDC, qui compte 70 millions d’habitants.
Dans un premier temps, le coût de ce passeport est estimé entre 20 et 40 dollars la pièce, selon une proposition d’Albert Karaziwan destinée à Joseph Kabila en date du 16 octobre 2014. Cinq jours plus tard, le patron de Semlex propose à deux proches de Kabila de venir le rencontrer à Dubaï pour des négociations. Le premier, Moise Ekanga Lushyma, a dirigé le programme de coopération sino-congolais. Le second, Emmanuel Adrupiako, conseille le président Kabila depuis 2001.
Début novembre 2014, Semlex affirme pouvoir produire des passeports à 50 dollars la pièce, selon des documents analysés par Reuters. Dans une autre lettre envoyée à Joseph Kabila le 13 novembre 2014, ce prix passe soudainement à 120 dollars.
Le contrat final, qui porte le coût du passeport à 185 dollars, est signé le 11 juin 2015 entre Albert Karaziwan, le ministre des Finances Henri Yav Mulang et son homologue des Affaires étrangères Raymond Tshibanda. Sur une photo que s’est procuré Reuters, prise le jour du lancement officiel de ce passeport, en novembre 2015, on peut voir Albert Karaziwan, Raymond Thsibanda et des employés de la Semlex poser en compagnie de… Joseph Kabila.
Pas d’appel d’offres
Quelques semaines plus tard, le Premier ministre de l’époque, Augustin Matata Ponyo, se plaint dans une lettre restée sans réponse à Raymond Tshibanda d’avoir appris les détails du lancement du passeport dans la presse. Interrogé par Reuters, un dirigeant de l’Autorité de régulation des marchés publics se plaint du fait qu’aucun appel d’offres n’a été émis. « Cela a été entièrement géré par le ministère des Affaires étrangères, regrette-t-il. Le contrat aurait dû être publié. »
Ce contrat qui lie Semlex à l’État congolais court sur une période de cinq ans. Une de ses clauses prévoit que l’accord reste valide même si des « changements institutionnels » − comme le départ de Joseph Kabila du pouvoir − devaient survenir.
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