Et si l’Afrique votait Marine Le Pen ?
Dans quelques jours, les français choisiront leur président.
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Nadji Gossadina
Nadji Gossadina est un consultant tchadien en communication, chef d’entreprise dans les NTIC à Libreville.
Publié le 19 avril 2017 Lecture : 5 minutes.
Un nouveau visage qui devra relever les nombreux défis que Sarkozy et Hollande ont passé 10 ans à mettre entre parenthèse. Redresser l’économie, résorber le chômage, déployer un nouveau pacte social… Il devra également définir une nouvelle politique extérieure de la France et surtout exprimer une particularité en ce qui concerne la relation avec le « pré-carré africain ».
Une relation franco-africaine, qui pour le Français lambda se résume à l’immigration et que de l’autre côté de la méditerranée, l’Africain engagé assimile à la « françafrique », c’est-à-dire à l’affairisme, à la prédation des matières premières et au déni d’un partenariat gagnant-gagnant. Cela justifie à suffisance l’engouement témoigné par les observateurs africains pour cette présidentielle. Mais qu’est ce qui changera après le 7 mai ? Qu’est-ce qu’on aura à gagner ? Qui est le meilleur candidat pour les intérêts de l’Afrique ?
Une rétrospective succincte et caricaturale des relations entre l’Afrique et la France de la Ve République laisse percevoir le niveau d’espoir qui sera placé sur le prochain président.
Promesses non tenues
Car le bilan des promesses maintes fois renouvelées alternativement par le Parti Socialiste et les héritiers du gaullisme est bien mince. À croire que les promesses envers l’Afrique n’ont jamais été soumises à une obligation d’exécution. Charles de Gaulle avait promis une indépendance qui s’est avérée factice. Pompidou a suivi les traces de son prédécesseur en suivant l’expertise de monsieur Foccart. Giscard, quant à lui, a davantage coopéré avec le côté exotique de l’Afrique, avec ses safaris et ses diamants. Mitterrand, à l’entame de son second mandat, pour se faire bonne conscience, a annoncé au sommet de La Baule en juin 1990, la nécessité d’une démocratisation des systèmes africains, suscitant l’enthousiasme des opposants. Ces derniers ont très vite déchanté face à la réalité politique. Mitterrand n’avait jamais encouragé l’alternance démocratique de façon concrète. Monsieur Chirac a vite fait de cantonner cet élan démocratique, en remettant en scelle le réseau foccardien. Et viva le statu quo.
Sarkozy, de son côté, avec une suffisance narquoise à Dakar, a voulu nous expliquer ce qu’était l’Afrique. La fin de la françafrique annoncée ?… Juste un point dans sa stratégie de communication pendant la campagne. Les relations personnelles ont été privilégiées au détriment des relations d’État. Et Hollande, qui avait le bénéfice du doute, car pas encarté dans les réseaux françafricains, s’est montré bien moins entreprenant. Il s’est tenu au principe de « pas d’ingérence » (directe). Une prudence qui pouvait se justifier par la recherche d’un second mandat mais qui finalement ne s’explique pas vraiment aujourd’hui.
Alors que faut-il attendre d’un futur président ? Peut-on rêver d’une amélioration positive des rapports entre la France et les États du continent ? Qui sera le meilleur pour incarner cette espérance nouvelle ? Loin de la France, et n’étant de surcroit pas électeurs, mais simple observateurs, les Africains se passionnent et se divisent. Ils s’abreuvent des analyses servies par les médias français, qui semblent de facto nous indiquer les candidats corrects, et ceux qui seraient moins présentables. Malheureusement pour nous, ceux qu’on nous recommande viennent des camps qui ont échoué à faire bouger les choses depuis 1960. On a ainsi le choix entre l’immobilisme représenté par Fillon, Hamon et Macron et l’espoir d’une amélioration positive avec Marine Le Pen ou Jean-luc Mélenchon – car ils n’ont jamais été au pouvoir.
Hostilité totale à l’égard de l’immigration
Mélenchon est bien populaire auprès des populations africaines, à cause de son franc-parler et de ses prises de position en faveur de l’alternance en Afrique. Il a su traduire le mal vivre des Africains dans le débat politique français. Mais sera-t-il qualifié pour le tour suivant ?
Marine Le Pen, on connaît moins bien ses positions sur l’Afrique sinon sa supposée hostilité totale à l’égard de l’immigration (clandestine ou pas). Elle voudrait remettre en cause le droit de sol. Elle est pour le durcissement des naturalisations et le tout-sécuritaire. Est-ce tout ? Et alors… ? Quel impact négatif peuvent avoir ces mesures sur un Africain né en Afrique, à qui on achèterait au juste prix sa production de matière première, dans un environnement démocratique où les richesses seraient équitablement reparties et où l’école et les hôpitaux fonctionneraient, et où l’avenir serait serein ?
Voici le challenge qui peut être relevé avec une Le Pen à la présidence : aide-nous à vivre heureux chez-nous, et on te laissera vivre chez toi tranquille !
Une simple rupture des pratiques mafieuses entre les élites africaines et la classe politique conventionnelle françaises permettrait une nette amélioration du niveau de vie sur le continent et par ricochet un recul de l’immigration économique. Une démocratisation, corollaire de la bonne gouvernance permettrait d’éradiquer l’immigration générée par les conflits (réfugiés de guerre et politiques). Voici donc le challenge qui peut être relevé avec une Le Pen à la présidence : aide-nous à vivre heureux chez-nous, et on te laissera vivre chez toi tranquille !
Espoir de changement
En visite au Tchad, et reçue par le président Déby, Marine Le Pen candidate paraissait comprendre ces attentes. En déclarant que « seuls le dialogue et le contact direct peuvent aider à fonder un jugement », elle se montrait prête à discuter de tous ces enjeux liés à l’indépendance réelle des États africains. Considéré comme une offre politique « pour et avec l’Afrique », le discours prononcé à N’Djamena restera dans les annales. Il vient bousculer les idées reçues. Il fait tomber, du moins en intention, « la barrière de l’ignorance et de la stigmatisation médiatique ».
Marine Le Pen ose proposer une alternative à ce qui s’est passé entre la France et l’Afrique pendant toutes ces années. Mais peut-on croire à ce qui ressemble à une propagande de campagne ? Peut-on gager que Marine Le Pen, une fois aux commandes, fera ce qu’elle a dit à Ndjamena ? Bien malin qui pourra répondre. Une chose est sûre, cependant : aucun des présidents français n’a tenu jusqu’ici ses promesses envers l’Afrique. La candidate du Front national a ainsi le bénéfice du doute… Elle peut incarner un certain espoir, du moins tant que l’espérance d’un changement des relations entre l’Afrique et la France ne sera pas réellement incarné par un autre candidat.
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