Afrique du Sud : la grogne populaire peut-elle avoir raison de Jacob Zuma ?
Plusieurs chefs de l’opposition et des militants de la société civile sud-africaine ont annoncé ce jeudi leur union au sein du Mouvement de la Liberté, une nouvelle organisation qui appelle à des manifestations régulières contre le président Jacob Zuma. Cela suffira-t-il pour provoquer son départ ?
« On va assister à une fin de règne très étrange ». Auteure d’une thèse sur les réseaux de l’ANC, la chercheuse française Marianne Séverin observe de près ce qui s’apparente désormais à un feuilleton en Afrique du Sud mais dont l’épilogue reste encore difficile à deviner.
Car bien malin est celui qui est capable de prédire ce qu’il adviendra d’ici décembre, échéance à laquelle Jacob Zuma devrait être dépourvu de son titre de président de l’ANC, et a fortiori, peut-être, de celui de chef d’État. Et au regard du ras-le-bol grandissant que celui-ci suscite aussi bien dans les rangs de l’ANC, des partis d’opposition, que dans la société civile, les paris n’ont jamais été aussi ouverts.
Manifestation le 27 avril
Président depuis 2009, Jacob Zuma a vu fondre sa popularité au fil des années. « Jacob Zuma a fait l’objet de plusieurs motions de défiance qui n’ont jusque-là jamais abouti à sa destitution. Mais le remaniement gouvernemental il y a quelques semaines, et l’éviction entre autre du respecté ministre des Finances, Pravin Gordhan, représente clairement une rupture de confiance définitive pour nombre de Sud-africains », analyse Marianne Séverin.
Une défiance généralisée, qui pourrait bien s’exprimer symboliquement le 27 avril prochain, « jour de la liberté », férié dans le pays. En effet, plusieurs chefs de l’opposition et militants de la société civile sud-africaines ont annoncé ce jeudi 20 avril leur rassemblement au sein du Mouvement de la Liberté, et ont appelé à manifester le jour de la liberté. « Il n’a jamais été aussi urgent de s’unir pour stopper la trajectoire actuelle de l’Afrique du Sud », explique le mouvement dans un communiqué. « Nous avons décidé de nous rassembler dans un large mouvement […] pour initier une série de marches afin que les Sud-Africains puissent exprimer leur colère légitime contre les actions du président Zuma », poursuit le texte.
Lors d’une conférence de presse organisée dans le township de Soweto, symbole de la lutte anti-apartheid, le chef de l’Alliance démocratique (DA), Mmusi Maimane, a lui aussi appelé personnellement à une fronde massive : « Nous devons avoir de l’énergie pour cette lutte. Nous ne nous épuiserons pas car nous luttons pour la liberté de chacun d’entre nous. »
Une unité incertaine
Mais la colère de la rue peut-elle avoir raison de la résilience de Jacob Zuma ? « On assiste là à un rapport de force mais à mon sens, cela sera insuffisant pour gagner la bataille. C’est ce que dit aussi Bantu Holomisa, membre du parti d’opposition Mouvement démocratique unie, et qui n’est autre que celui a déposé la dernière motion de défiance auprès de la Cour constitutionnelle », analyse Marianne Séverin.
« Il a prévenu que c’était une bonne chose de manifester mais qu’une alternative politique efficace doit être mise sur pied. Je partage ce raisonnement. Le sort de Zuma se joue aussi à travers des initiatives institutionnelles », poursuit la chercheuse.
Le sort de Zuma se joue aussi à travers des initiatives institutionnelles.
La création du Mouvement de la Liberté suscite également une autre interrogation : parviendra-t-il à conserver son unité dans l’éprouvant combat qui l’attend ? « C’est la grande question », admet Marianne Séverin. « Des tentatives similaires ont vu le jour dans le passé, mais elles ont périclité sur fond d’intérêts politiques de chaque parti. Et avec la côte de désamour de l’ANC dans les urnes, c’est le moment parfait pour l’opposition. » Reste à savoir, selon la chercheuse, si les velléités de chacun ne vont pas prendre le pas sur ce mouvement solidaire anti-Zuma. « Rien que pour cela, la fin du feuilleton s’annonce passionnante. »
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