Cameroun : Ahmed Abba entre le marteau jihadiste et l’enclume judiciaire

Au Cameroun, le procès du correspondant de RFI Ahmed Abba touche à sa fin. C’est finalement lundi qu’il sera fixé sur son sort. À qui profite ce triste feuilleton judiciaire ?

L’œil de Glez. © Glez / J.A.

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Publié le 21 avril 2017 Lecture : 2 minutes.

Il y a du Nigérien Moussa Kaka et du Burundais Hassan Ruvakuki en Ahmed Abba : un statut de correspondant d’une chaîne de radio internationale qui ne laisse personne indifférent, pas même ceux qui critiquent l’identité française de ladite radio ; une interpellation pour proximité présumée excessive avec un groupe d’individus qui empêche le pouvoir de dormir (en 2007 pour Kaka et en 2011 pour Ruvakuki) ; des réquisitions judiciaires démesurées, nourries de motifs d’inculpation titillant les cordes sensibles de l’autorité de l’État ou de la sûreté nationale ; une démarche journalistique déontologiquement limpide que des soupçons de corporatisme empêchent de défendre au mieux…

C’est le 30 juillet 2015 que Ahmed Abba est arrêté à Maroua. Le journaliste camerounais est le correspondant en langue haoussa de Radio France Internationale (RFI) dans le nord du Cameroun. Pour avoir enquêté sur l’organisation terroriste Boko Haram, il sera accusé de non-dénonciation d’actes de terrorisme, d’apologie et de blanchiment. Il est d’abord mis au secret. Il passera des locaux de la Direction générale de la recherche extérieure au parquet du tribunal militaire de Yaoundé. Il aurait été torturé et des organisations de défense des droits de l’Homme le disent défiguré.

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Le 6 avril dernier, en vertu de la loi antiterroriste controversée de 2014, la peine de mort est requise par le procureur contre le journaliste. Les employeurs d’Ahmed Abba et des associations comme le Réseau des Défenseurs des Droits en Afrique Centrale s’insurgent et réclament sa libération sans conditions.

Les menaces de Boko Haram

Ce jeudi, la justice militaire a finalement déclaré Ahmed Abba coupable de non-dénonciation de terrorisme et blanchiment du produit d’un acte terroriste. Le journaliste a été blanchi de l’accusation d’apologie du terrorisme. Il risque tout de même la prison à perpétuité, peine requise par le procureur. Le verdict devrait tomber lundi prochain.

Le journaliste a toujours crié son innocence, produisant des traductions univoques de toutes ses productions et brandissant les menaces qu’il a reçues de cette même secte dont on le dit complice.

Lundi, que la condamnation finale apparaisse cruelle ou clémente, juste ou injuste, personne ne sortira vraiment vainqueur de cette affaire. Ni le prévenu qui, s’il a attiré l’attention sur l’impérieuse liberté d’enquêter, sera déjà lessivé par deux années d’incarcération. Ni les tenants de la justice dont les procédures, même légales, ressemblent, dans l’œil de l’opinion publique, à une tentative peut-être vaine d’intimidation de la liberté d’expression. Au mieux, si l’homme de radio apparaissait quelque peu réhabilité, ce seraient peut-être les journalistes africains de demain qui bénéficieraient de ce genre de jurisprudences informelles.

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