Séance académique

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  • Tshitenge Lubabu M.K.

    Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.

Publié le 30 septembre 2014 Lecture : 2 minutes.

Un après-midi de septembre, quelque part à Kinshasa, une école supérieure de commerce est en effervescence. La raison en est simple : des étudiants doivent défendre leur travail devant un jury pour obtenir une licence, l’équivalent d’un master 1 en France. Entourés de leurs proches, rongés par le stress, ils attendent dans une salle étroite où ils étouffent de chaleur, la climatisation ayant rendu l’âme. La cérémonie doit commencer à 15 heures. Mais ce n’est qu’à 16 heures que le président du jury apparaît.

De grande taille, il porte un costume noir et une chemise beige. Une cravate noire à rayures jaunes pend à son cou. Le jury ne compte que deux personnes – le président et le secrétaire -, alors que le règlement prévoit trois membres au moins. Le président prend la parole pour prodiguer quelques conseils aux étudiants : pas de panique, pas d’applaudissements ni de sifflets, il faut simplement répondre aux questions posées.

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Il demande ensuite à ceux qui ne sont pas étudiants de quitter la salle pour éviter tout débordement, tout cri de joie, toute tentative d’influencer le jury par des commentaires déplacés. Aucun mot d’excuse pour son retard. Malgré quelques vaines protestations, les parents et amis des étudiants s’exécutent.

La soutenance des mémoires va commencer. Mais quelque chose cloche. Selon le règlement, les documents doivent être déposés au jury soixante-douze heures avant le jour J afin que ses membres les lisent. Or tel n’a pas été le cas. Et même si cela avait été fait, comment peut-on lire sérieusement en un temps aussi court une soixantaine de textes d’au moins une centaine de pages chacun ?

Faute de mieux, le président du jury indique la procédure à suivre : chaque étudiant remet son mémoire au secrétaire, qui le parcourt en quelques minutes, en tire une question qu’il pose à l’intéressé et lui laisse le temps de se préparer pour répondre. Se présente alors une jeune femme. Elle porte une tenue en pagne vert avec, comme motifs, des fleurs blanches. Fonctionnaire dans une régie financière, elle a suivi des cours du soir. Et c’est elle qui ouvre le bal.

Le secrétaire du jury l’interroge sur la définition du mot "exonération". "C’est une faveur que les services douaniers accordent aux commerçants", répond-elle. "Êtes-vous sûre de votre réponse ?" lui demande le secrétaire. Silence de morte. Trois minutes s’écoulent. Toujours pas de réponse. Le membre du jury reprend la parole pour dire qu’"une exonération est une exemption de paiement des droits de douanes". Fin de l’épisode.

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Six candidats plus tard. C’est le tour d’un quadragénaire, fonctionnaire lui aussi à la Direction générale des douanes et accises (DGDA). Question : "Que signifie l’acronyme DGDA ?" L’intéressé répond juste. Nouvelle question : "Et le mot accises ?" Un lourd silence s’installe. Le secrétaire du jury, agacé, lui envoie alors un uppercut verbal : "Vous travaillez dans un service sans en connaître l’objet. Quelle honte !" Au suivant.

Dehors, tous ceux qui viennent de passer devant le jury sont accueillis avec des cris de joie par leurs parents et amis. Pourtant, aucun résultat ne sera connu avant plusieurs jours. Pourquoi cette allégresse ? L’un des candidats répond, l’air malicieux : "Ici, personne n’échoue." Têtes bien pleines ou têtes vides couronnées, en fin de compte ? Commentaire d’un professeur : "Les diplômes sont délivrés à ceux qui ne les méritent pas."

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