Le Maroc répond à l’appel du large

Le littoral marocain, c’est 3 500 km de côtes cernées par le désert et les montagnes. Un espace stratégique pour le royaume, qui, en développant la pêche et le commerce maritime, compte profiter enfin de la situation.

Le détroit de Gibraltar et la côte marocaine vus depuis Tarifa, en Espagne. © Grant Rooney PCL/Superstock/Sipa

Le détroit de Gibraltar et la côte marocaine vus depuis Tarifa, en Espagne. © Grant Rooney PCL/Superstock/Sipa

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Publié le 16 janvier 2015 Lecture : 4 minutes.

Certains jeunes décident de quitter le Maroc pour des raisons économiques mais aussi pour s’émanciper. © Flickr/CC/bourget_82
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Maroc : l’appel du large

Après lui avoir longtemps tourné le dos, le Maroc redécouvre son littoral. Il compte même surfer sur la vague pour assurer son développement et s’imposer comme l’une des principales puissances maritimes du continent.

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Et si le Maroc était une île ? Acculé par le Sahara au sud et les montagnes du Rif au nord, le royaume ne semble avoir d’autre choix que de regarder vers la mer. Le pays n’est pourtant pas réputé pour sa culture maritime. Qu’importe si les corsaires de Salé ont écumé le littoral au XVIIe siècle ou si le dénommé Saïd Ben Haddou, pilote des galions de Cortès, s’est retrouvé gouverneur de Floride jusqu’à sa mort, en 1549. « Historiquement, le pays a toujours été tourné vers l’intérieur », explique l’expert maritime Mustapha El Khayat.

Plus JA2815p064 <span class=info1" title="Cliquez sur l'image." class="caption" style="margin: 4px; border: 0px solid #000000; float: right;" />« Plus qu’un désintérêt, il s’agit d’une appréhension certaine de la population face au grand large », précise Leïla Meziane, professeur d’histoire à l’université Hassan-II de Mohammedia. L’hostilité des rivages n’a pas non plus aidé à faire naître les vocations de marins, entre une côte atlantique battue plus que baignée par les courants et un pourtour méditerranéen coupé du pays par les montagnes. Autre obstacle : « La colonisation des grandes villes côtières par les puissances occidentales », ajoute l’historienne.

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Si la question de l’insularité du Maroc est une aberration géographique, elle s’appuie sur une réalité économique, puisque 98 % des échanges commerciaux du pays empruntent la voie maritime. C’est autant que pour l’Islande ou l’archipel des Tuamotu…

Et si l’économie est perçue comme essentiellement agricole, les différentes activités liées à la mer, du transport à la pêche en passant par le tourisme – en attendant les possibles gisements d’hydrocarbures offshore -, contribuent pour près de 20 % au PIB. Bien plus que les plaines céréalières du centre du pays, reconnu pendant l’Antiquité comme le grenier à blé de Rome. Dernier rappel historique : c’est bien la gravure d’un thon qui habille les pièces de bronze datant du Ier siècle avant notre ère découvertes près de Larache, dans le Nord.

Flotte

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Après avoir contribué à la richesse de la région depuis des siècles, la pêche reste un secteur prépondérant pour le Maroc, qui, selon le dernier classement de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), occupe la 18e place des producteurs mondiaux de poisson et la première en Afrique.

Avec une flotte estimée à 3 000 bateaux, le royaume contribue chaque année à 4 % des prises réalisées à travers la planète, soit plus de 1 million de tonnes. En ajoutant les tonnages produits par l’aquaculture, les produits de la mer pèsent chaque année, en valeur, 50 % des exportations agroalimentaires du royaume.

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C’est justement pour doper ces chiffres que le gouvernement a lancé en 2009 le plan Halieutis. Objectif : développer l’ensemble de la filière d’ici à 2020, en modernisant une grande partie des 19 ports de pêche disséminés le long des 3 500 km de littoral et en multipliant les unités de transformation et les fermes d’élevage. L’enjeu est de taille puisque le pays espère, à terme, doubler les 300 000 emplois que compte aujourd’hui la filière.

La politique de la passerelle

Le Maroc a peut-être mis du temps à définir une politique maritime cohérente, il n’a en revanche pas tardé à adhérer aux différentes institutions mondiales qui régulent le secteur. Le pays est ainsi membre de l’Organisation maritime internationale (OMI) depuis 1962.

En 2012, il a même rejoint les 40 pays siégeant au conseil de cet organisme chargé notamment des questions de sécurité et de protection de l’environnement marin, aux côtés de trois autres pays africains : le Kenya, le Liberia et l’Afrique du Sud.

Seul pays du continent à disposer d’une façade donnant à la fois sur l’océan Atlantique et sur la mer Méditerranée, le Maroc multiplie les passerelles vers l’Europe et les Amériques pour s’imposer comme partenaire incontournable.

Le pays a ainsi joué un rôle leader dans la mise en place de l’Union pour la Méditerranée, en 2008. Le diplomate Fathallah Sijilmassi est d’ailleurs le secrétaire général de l’organisation depuis 2012, succédant à son compatriote Youssef Amrani.

Le royaume est enfin à l’origine des Dialogues de l’Atlantique, un forum organisé chaque année au Maroc depuis 2011. Plus de 300 représentants des secteurs publics et privés, en provenance de 45 pays du pourtour atlantique, se réunissent à cette occasion pour traiter des questions économiques et commerciales, des problèmes sécuritaires et migratoires.

Mais c’est encore dans le domaine du commerce maritime que le Maroc affiche le plus clairement ses ambitions, depuis dix ans, bien résolu à mettre en valeur son ouverture sur la Méditerranée et l’Atlantique et à se positionner comme plateforme incontournable entre l’Europe et l’Afrique. En 2002, le projet Tanger Med a été lancé dans ce but ; il est devenu en quelques années l’un des tout premiers ports à conteneurs du continent.

Après avoir ouvert les terminaux du pays à la concurrence en 2007, le gouvernement a présenté en 2012 sa « stratégie portuaire nationale 2030 ».

À cette date, l’ensemble du système portuaire marocain devra être en mesure de traiter entre 300 millions et 350 millions de tonnes de marchandises par an, contre un peu plus de 100 millions en 2013.

Doté d’une enveloppe de 80 milliards de dirhams (environ 7,2 milliards d’euros), le plan prévoit l’extension et le réaménagement des treize ports de commerce existants, ainsi que la création de cinq nouveaux terminaux, dont une plateforme de transbordement de taille mondiale à Nador.

Pavillon

La carte portuaire sera réorganisée autour de six pôles, comprenant chacun plusieurs ports et concentrés sur des activités spécifiques (voir ci-contre). Les deux projets les plus importants concernent les ports de Tanger et de Casablanca, où les trafics les plus polluants quitteront les centres-villes pour laisser place à de nouveaux terminaux de pêche et de croisière.

Sur ce dernier créneau, le Maroc compte bien tirer son épingle du jeu et détourner à son profit une part toujours plus importante d’une activité en plein boom dans l’ouest de la Méditerranée.

Ne restera plus alors au royaume qu’à tenter de reconstituer une flotte de commerce sous pavillon national, disparue en 2013 en même temps que la Compagnie marocaine de navigation, pour qu’il puisse retrouver un statut de puissance maritime que même les Marocains semblent avoir oublié.

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