Ce mal qui sème la terreur
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Béchir Ben Yahmed
Béchir Ben Yahmed a fondé Jeune Afrique le 17 octobre 1960 à Tunis. Il fut président-directeur général du groupe Jeune Afrique jusqu’à son décès, le 3 mai 2021.
Publié le 2 octobre 2014 Lecture : 5 minutes.
Ni nous ni surtout, et c’est le plus grave, nos dirigeants politiques, pourtant comptables de la santé de leurs concitoyens, n’ont écouté les hommes et les femmes d’expérience.
Dès le mois de mars dernier, il y a donc huit mois, l’ONG Médecins sans frontières (MSF) avait prévenu : "Si l’on ne se donne pas les moyens de la combattre, de la faire reculer et de l’éradiquer, la fièvre Ebola, transmise par le virus du même nom, se transformera en épidémie africaine, voire mondiale.
Elle se propagera alors à une vitesse terrifiante d’un pays africain à l’autre et pourra même voyager de région à région, de continent à continent."
Ce moment est là, ou approche, et rien, absolument rien n’est plus important que de conjuguer – immédiatement, sans plus aucun délai – tous les moyens et tous les efforts africains et non africains pour combattre l’épidémie.
>> Lire aussi : ce que vos dirigeants ont dit sur Ebola
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Elle s’est déjà mise à croître à un rythme affolant, puisqu’une personne infectée en contamine en moyenne deux, que le temps d’incubation est inférieur à quinze jours et qu’un malade sur deux est emporté par le mal.
Il frappe indifféremment hommes et femmes, adultes et enfants, et l’on craint de voir le nombre de personnes contaminées passer à plus de 6 000 à la fin de septembre et à plus de 20 000 en octobre ; celui des décès risque de se situer aux alentours de 10 000 lorsque cette funeste résurgence d’Ebola sera entrée dans sa deuxième année, en décembre prochain.
>> Lire aussi : le cap des 3000 morts dépassé selon l’OMS
Le virus Ebola s’est pour la première fois transmis de l’animal à l’homme il y a trente-huit ans, dans l’ex-Zaïre (rebaptisé RD Congo) ; depuis, il a fait, toujours en Afrique, des réapparitions qui ont été aisément contenues, ce qui a conduit à ne pas prendre suffisamment au sérieux celle survenue en Guinée, en décembre dernier, et à juger alarmistes les appels à la mobilisation lancés par Médecins sans frontières (entre autres).
On a laissé le mal se propager lentement mais inexorablement en Sierra Leone, au Liberia et même, par cas isolés, à Lagos, mégapole nigériane de 21 millions d’habitants, et au Sénégal.
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Pourquoi les pays africains sont-ils, comme pour le paludisme, plus exposés à ce mal ? Pourquoi est-ce en Afrique subsaharienne qu’Ebola s’enracine, comme s’il y avait trouvé un terrain favorable ?
Parce que les services de santé de ces pays, à l’exception notable de l’Afrique du Sud, ne sont pas assez développés. Ils manquent cruellement de moyens humains et techniques, d’un savoir-faire éprouvé leur permettant de combattre un virus contre lequel il n’existe, pour le moment, ni vaccin ni traitement efficace.
Parce que l’habitat, les pratiques sociales et le degré d’information des gens ne sont pas (encore) au niveau requis pour lutter contre un virus qui n’avait jamais encore sévi à une si grande échelle.
Notons cette évidence : les couches les plus modestes et les moins éduquées de la population sont davantage exposées à la contamination que les catégories aisées et instruites.
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Médecins sans frontières, qui a l’expérience de la lutte contre Ebola, a engagé, nous dit-on, plus de 2 000 soignants dans les trois pays foyers de l’épidémie. Cuba, la Chine, les États-Unis viennent à leur tour d’envoyer dans ces pays des moyens humains civils (et même militaires pour les États-Unis), de même que la Fondation Bill Gates, largement représentée.
Il faut rendre hommage au courage et à l’abnégation des personnels soignants, dont la plupart sont volontaires : en moins d’un an, 200 d’entre eux ont été contaminés et près d’une centaine ont perdu la vie.
La France, le Royaume-Uni et l’Espagne, ex-puissances coloniales si longtemps présentes en Afrique ? De notoriété publique, elles n’ont plus les moyens (ni la volonté) de se maintenir au premier rang. Elles se contentent donc, jusqu’ici tout au moins, de participer à la lutte contre l’épidémie avec "un minimum décent".
L’Union africaine ? François Soudan a déjà, dans nos colonnes, relevé sa carence et celle, plus surprenante, de cette Afrique du Sud qui n’est plus la première puissance africaine que nominalement.
Mais où sont les pays d’Afrique du Nord, dont les services de santé auraient dû se montrer plus solidaires ? Où sont les grands producteurs africains de pétrole, qui auraient pu montrer à cette occasion que l’argent de l’or noir peut servir à autre chose qu’au superflu ?
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L’Organisation mondiale de la santé (OMS) n’a pris conscience qu’il y a environ deux mois de l’ampleur sans précédent du fléau. Sa directrice générale, Margaret Chan, l’a qualifié – avec huit mois de retard – de "plus grand défi en temps de paix", dont "le rythme d’accroissement menace de devenir vertigineux".
"Si nous ne parvenons pas à ralentir l’augmentation exponentielle du nombre des infections, on ne recensera plus des centaines de cas par semaine mais des milliers, lesquels entraîneront des milliers de morts.
Cette épidémie est comme une succession d’incendies qu’il faudra éteindre un par un…"
L’épidémie a déjà affecté, voire paralysé, les économies des trois pays qui en sont le foyer ; leurs voisins immédiats sont eux aussi touchés par ricochet.
Tous les autres Africains et l’ensemble de la communauté internationale leur doivent la solidarité la plus complète, laquelle consiste, pour commencer, à ne reporter aucun voyage dans ces malheureux pays, à n’annuler aucune réunion, sauf celles, rarissimes, qui pourraient favoriser la propagation du virus.
Pour se sentir solidaire, il faut et il suffit de se mettre à la place de celles et ceux qui sont exposés à ce mal.
>> Lire aussi : L’OMS appelle les dirigeants du monde à "faire plus" contre Ebola
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Dans ces derniers jours de septembre, à la tribune de l’ONU, Margaret Chan, des dirigeants africains et d’autres dont le président des États-Unis ont montré qu’ils ont désormais pleinement conscience de la gravité de la menace. Ils ont pris des engagements fermes qu’il leur faut tenir.
La bataille contre Ebola atteindra son paroxysme dans les prochaines semaines et les prochains mois ; elle finira par être gagnée si s’engagent à fond ceux qui savent et peuvent. Et si les autres – tous les autres – font montre d’une solidarité sans faille avec les pays et les peuples touchés.
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