Climat : au Sahel, les tempêtes extrêmes ont triplé en 35 ans
Le réchauffement climatique est responsable de l’augmentation de la fréquence des tempêtes extrêmes qui ont plus que triplé ces 35 dernières années au Sahel, révèle une étude parue mercredi.
« On s’attend à ce que le réchauffement climatique provoque des tempêtes plus importantes mais nous avons été choqués de voir la rapidité des bouleversements dans cette région d’Afrique », a affirmé Christopher Taylor, du Centre for Ecology and Hydrology (CEH) britannique, après la parution d’une étude, mercredi 26 avril, dans la revue Nature impliquant notamment les universités de Leeds (Grande-Bretagne) et de Grenoble (France).
L’analyse des données satellitaires recueillies de 1982 à 2016 montre une hausse constante du nombre de ces épisodes extrêmes, 3 à 4 fois plus fréquents qu’il y a 35 ans. Il s’en produit aujourd’hui quelque 80 en moyenne sur les quatre mois de mousson (juin-septembre), contre une vingtaine auparavant.
Quels dégâts provoquent ces tempêtes ?
Les tempêtes sahéliennes sont « parmi les plus explosives de la planète », souligne l’équipe de chercheurs, qui présente ses conclusions à Vienne à l’assemblée de l’Union européenne des géosciences.
Elles sont à l’origine d’inondations et de risque sanitaire accru dans des villes souvent dépourvues d’infrastructures adéquates. En 2009, la moitié de la ville de Ouagadougou avait été touchée par des inondations, faisant 8 morts. Au total, 150 000 personnes avaient été affectées, 250 maisons et 670 classes d’écoles détruites et les systèmes d’assainissement de la ville hors d’état de fonctionner.
Au Burkina Faso, pas moins de 77 épisodes d’inondations ont été recensés en vingt ans, dont 55 se concentrent sur ces dix dernières années, soit cinq fois plus que durant la décennie précédente.
Les pluies générées sont-elles bénéfiques à l’agriculture ?
Ces gigantesques orages fournissent désormais 90% des pluies au Sahel. Mais ils n’arrangent en rien la situation d’une zone déjà mise à mal par 20 ans de sécheresse historique dans les années 1970-80.
« Ce n’est pas une bonne nouvelle », explique Christopher Taylor à l’AFP. « La pluie au Sahel devient de moins en moins efficace pour l’agriculture », a-t-il ajouté.
« Ces précipitations sont de plus en plus diluviennes, sur des épisodes courts et soudains. Leur intensité implique que l’eau ne pénètre pas dans la terre. En outre, elle accroît l’érosion des sols, et leur fait perdre des nutriments », selon le chercheur.
Comment expliquer ce phénomène ?
La croissance régulière de ces gigantesques orages n’est pas liée à une augmentation de l’humidité locale, qui reste erratique.
L’étude montre que « ces ‘machines à pluie’ peuvent se comporter de manières que nous n’envisagions pas », souligne Christopher Taylor, indiquant que ce type d’orages se rencontre aussi dans les régions tropicales, ou même dans les Grandes plaines des États-Unis.
Les chercheurs pointent le rôle des températures terrestres toujours plus élevées, non au Sahel, mais juste à côté, dans le désert du Sahara
En fait, ces gros orages constituent « des machines météorologiques très organisées et de plus en plus ‘efficaces’ qui extraient de l’eau de l’atmosphère pour produire des pluies torrentielles », précise Douglas Parker, professeur de météorologie au CEH.
Pour expliquer ce phénomène, les chercheurs pointent le rôle des températures terrestres toujours plus élevées, non au Sahel où la hausse du mercure est peu marquée, mais juste à côté, dans le désert du Sahara, qui se réchauffe plus vite que le reste de l’Afrique.
Les résultats de cette étude ont été « une surprise » pour ses auteurs, qui n’imaginaient pas que l’orage puisse récupérer la chaleur du territoire voisin.
Peut-il s’aggraver davantage ?
Cette fragile région africaine doit s’attendre à subir encore plus de pluies torrentielles, préviennent les chercheurs.
Ce phénomène vient s’ajouter aux autres fléaux environnementaux ou crises politiques affectant déjà le Sahel, vaste bande de terre semi-aride collée au sud du Sahara et s’étendant sur le Tchad, le Mali, le Burkina Faso, le Niger, la Mauritanie, le Sénégal, le Nigeria, le Soudan.
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