Burkina : les citoyens retiennent leur souffle à l’approche du procès de Blaise Compaoré et de ses ministres
La Haute Cour de justice juge ce jeudi 27 avril les membres du dernier gouvernement de Blaise Compaoré, poursuivis pour la répression des « jours de colère » d’octobre 2014, qui avait fait 24 morts et 625 blessés, selon le bilan officiel. A l’aube de ce procès très attendu, où l’ancien président brillera par son absence, le Burkina retient son souffle.
Trente ans après les tribunaux populaires de la Révolution du capitaine Sankara qui avaient jugé les dignitaires de la troisième République, le Burkina Faso post-insurrectionnel s’apprête à vivre un événement similaire.
Le pays va encore juger des personnalités issues d’un régime déchu : celles de la quatrième République. La justice reproche aux ministres d’avoir, en Conseil, fait appel à l’armée pour réprimer les manifestants opposés à la modification de l’article 37 de la Constitution par le Parlement réuni le 30 octobre 2014.
Ce jour-là, des centaines de milliers d’individus avaient incendié l’hémicycle et les domiciles de proches du régime Compaoré. Quatorze personnes avaient péri dans les violences à Ouagadougou, pour un bilan officiel de 24 morts et 625 blessés sur toute l’étendue du territoire national.
L’impunité, c’est fini
Deux ans et demi après les faits, ces ministres comparaissent donc à la barre pour leur rôle présumé dans la répression. Blaise Compaoré – en exil en Côte d’Ivoire depuis sa chute -, qui assurait les fonctions de ministre de la Défense et se trouve donc poursuivi en cette qualité, ne sera toutefois pas dans le box des accusés.
Les Burkinabè attendent que justice soit faite
« La Haute Cour de justice devra situer les responsabilités de cette sanglante répression : qui sont les auteurs et les commanditaires de la réquisition complémentaire spéciale, signée par le Premier ministre d’alors, Luc Adolphe Tiao ? », commente le journaliste et patron du quotidien Aujourd’hui au Faso, Dieudonné Zoungrana. À ses yeux, il s’agit avant tout du procès d’un régime, celui de Blaise Compaoré et de ses 31 ministres jugés. Et d’ajouter : « L’impunité, c’est fini. C’est ce à quoi devra aboutir la morale de ce jugement ».
À Ouagadougou, beaucoup attendent du jugement qu’il mette en exergue la responsabilité pénale et politique des dirigeants. « On veut que justice soit faite. Qu’ils répondent de leurs actes. Nous espérons que ce procès va soulager les victimes et leurs familles », affirme Agathe Ouédraogo, une infirmière de 30 ans.
De son côté, un citoyen ayant requis l’anonymat peste contre l’absence de l’ancien président. « Des parents sont actuellement meurtris par la mort de leurs enfants, par des blessures à vie. Ces gens-là veulent savoir la vérité », ajoute-t-il.
Issiaka Compaoré, un vendeur de friperie dans la trentaine, espère un procès équitable, sans règlement de compte : « La tenue de ce procès est un soulagement pour les victimes de l’insurrection. Si les ministres sont reconnus coupables, qu’on les condamne ».
Le procès du dernier espoir ?
« Ce procès est comme un dernier espoir qu’attendent les Burkinabè car il y a eu tellement d’injustices, de non-dits… qu’on se demande qui détient la vérité. La jeunesse a vraiment besoin de savoir ce qui s’est passé durant l’insurrection populaire, afin que le pays puisse construire une paix véritable », estime pour sa part Julie Kaboré, une étudiante en fin de cycle en management et droit des affaires.
Un avis que partage l’analyste politique Siaka Coulibaly. Selon lui, le jugement à venir représente une opportunité pour le Burkina de se donner un contexte politique apaisé et stable. Dubitatif cependant sur le verdict qui sera prononcé, il estime que ce procès comporte des inconnues : qui a appuyé sur la gâchette ? Pourquoi le général Yacouba Isaac Zida, l’ex-Premier ministre de la Transition cité dans un rapport d’enquête sur la répression de l’insurrection, n’est-il pas mis en cause ? Et de conclure, un brin fataliste : « On se demande si on va aboutir à la justice et la vérité à travers ce procès »
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