Nigeria – Asa : petit faucon, grand talent
L’artiste nigériane Asa revient avec un troisième album, Bed of Stone. Pari réussi pour celle qui fut très vite considérée comme l’un des grands espoirs africains.
Sur le toit d’un restaurant parisien à la mode, sous une chaleur de plomb – suffisamment rare cette année en France pour être signalée -, Asa (prononcer "acha") arrive légèrement en retard. "Il y avait beaucoup de monde sur la route", s’excuse-t-elle, calmement, tout sourire. La Nigériane est sereine : une plénitude qui ressort d’ailleurs de son dernier disque, Bed of Stone. Elle le reconnaît volontiers, voire le revendique. Car, depuis 2007 et le succès de son premier album (Asa), vendu à 400 000 exemplaires et récompensé du prix Constantin, l’artiste a mûri.
En 2010, son deuxième opus, Beautiful Imperfection, s’était ensuivi d’une tournée harassante de deux années. "J’ai tout donné chaque soir… sans me rendre compte à quel point c’était épuisant", avoue-t-elle. Il lui aura donc fallu deux années supplémentaires pour aboutir Bed of Stone et s’affranchir de toute pression à 32 ans. Résultat : une explosion de couleurs, une envolée soul et pop, des hymnes à reprendre en choeur (comme le superbe "Eyo")… Le "petit faucon" (traduction d’Asa en yorouba, langue qu’elle utilise aussi pour composer) a bien fait de prendre son temps, et de la hauteur.
Jeune Afrique : Comment définiriez-vous votre dernier album ?
ASA : Je dirais qu’il est plus simple que les précédents. Mais, surtout, c’est un album plus personnel, plus proche de moi, de ce que je ressens, de ce que je pense, de la personne que je suis devenue.
Vous voulez dire que vous avez profondément changé depuis votre premier album ?
Oui, indéniablement. Je crois qu’on appelle ça la maturité ! Je suis plus sage, en même temps je me sens vraiment libre et détachée de toute pression, beaucoup moins stressée ! Et je crois que cela se ressent dans mon écriture.
Comment s’est passée la composition ?
J’ai mis deux années à écrire Bed of Stone. J’ai pris mon temps. C’est un album composé sur la route, entre les États-Unis – Nashville, Los Angeles, Austin… -, Paris et Lagos. Auparavant, j’écrivais seule. Là, d’autres auteurs m’ont accompagnée tout au long du processus.
Dans une précédente interview, vous indiquiez vouloir vous détacher de votre image de "chanteuse militante". Pourquoi ?
Je ne crois pas qu’il soit possible de rester de marbre face au monde actuel. J’ai des choses à dire et je continuerai à le faire. Mais de manière différente. Mon message est moins virulent.
Que ressentez-vous lorsque vous voyez votre pays, le Nigeria, touché de plein fouet par les actes terroristes de la secte islamiste Boko Haram ?
Je me sens personnellement atteinte puisque les jeunes filles qui ont été kidnappées [200 étudiantes ont été enlevées à Chibok, en avril] sont du même village qu’une partie de ma famille. Je connais bien les lieux. Ce qui se passe est indescriptible. Jusqu’à cet événement, je vivais les choses de manière détachée, comme une observatrice extérieure. Cet enlèvement, inqualifiable, m’a violemment ramenée à la réalité. Je ne peux plus faire comme si cela ne me concernait pas.
Quels artistes écoutez-vous actuellement ?
J’écoute de tout, mais j’avoue apprécier en ce moment tout particulièrement les Américains Bruno Mars, Mute Math, ou encore Sixto "Sugar Man" Rodriguez.
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Propos recueillis par Michael Pauron
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