Burkina : qui sont les victimes de l’insurrection populaire contre Blaise Compaoré en 2014 ?
L’ex-président burkinabè et 31 anciens ministres du gouvernement de Luc Adolphe Tiao sont jugés à partir du jeudi 4 mai pour la répression meurtrière de l’insurrection populaire d’octobre 2014. Au cœur de la procédure, sept citoyens, abattus par les hommes du RSP dans les rues de Ouagadougou.
Le premier bilan officiel de l’insurrection populaire contre Blaise Compaoré avait été fourni un mois après sa chute par le gouvernement de transition. Selon un comité d’experts désigné par le Premier ministre Yacouba Isaac Zida, 24 personnes étaient mortes et 625 autres blessées dans les manifestations contre Compaoré du 30 octobre au 2 novembre 2014, sur l’ensemble du territoire burkinabè.
Sur ces 24 morts, 19 avaient péri du fait de « complications de blessure par balle », « noyade », « asphyxie », ou « complications de traumatisme et de brûlure grave ». Les cinq autres étaient des prisonniers, qui sont morts à la prison de Ouagadougou, dont trois avaient tenté de s’évader. Toujours d’après ce comité d’experts, les 625 blessés présentaient des « lésions et des blessures par balle ou par objets tranchants, ou encore des troubles respiratoires après l’inhalation de gaz lacrymogènes ».
Compaoré jugé par contumace
Deux ans et demi après les faits, Blaise Compaoré et 31 autres ministres du gouvernement de Luc Adolphe Tiao doivent être jugés à partir du jeudi 4 mai par la Haute cour de justice à Ouagadougou pour la répression de ces manifestations. Poursuivis pour des faits de complicité de coups et blessures volontaires et homicide volontaire, ils encourent jusqu’à vingt ans de prison, voire la peine capitale – même si celle-ci n’est plus appliquée depuis des années au Burkina −. Exilé en Côte d’Ivoire, l’ex-Président, poursuivi en tant que ministre de la Défense, sera absent et donc jugé par contumace.
Bien que le bilan officiel fasse état de 24 morts et de 625 blessés, cette procédure ne porte « que » sur 7 morts et 88 blessés, tous atteints par les balles des forces de défense et de sécurité déployées dans les rues de Ouagadougou entre le 30 octobre et le 2 novembre 2014. « Pour les autres victimes, notamment celles qui n’ont pas été tuées par balles ou qui ont été recensées ailleurs au Burkina, d’autres procédures sont en cours devant des tribunaux de grande instance », explique une source judiciaire.
Tués par le RSP
Selon l’acte d’accusation, que Jeune Afrique a pu consulter, les premières victimes ont été tuées après l’incendie et la mise à sac de l’Assemblée nationale dans le centre de Ouagadougou, le 30 octobre 2014, peu après 8h du matin. « Une partie des manifestants qui se trouvaient sur l’avenue Charles de Gaulle, au niveau du domicile de François Compaoré (le frère cadet de Blaise Compaoré, NDLR), s’est trouvée confrontée aux militaires du régiment de sécurité présidentielle (RSP) qui y assuraient la garde et qui ont fait usage de leurs armes pour disperser la foule », retrace le document. Trois personnes sont mortellement atteintes par les tirs du RSP : Gaston Karambiri, Inoussa Bere, et Yempabou Fabrice Aristide Ouoba.
Le même jour, deux autres manifestants − Joséphine Ebou Kambine et Jacob W. Tonde − sont tués par « les tirs de dissuasion des militaires du RSP » au niveau de l’hôtel Laïco, dans le quartier Ouaga 2000, sur une des routes menant au palais présidentiel de Kosyam. En tout, 88 personnes sont blessées par balles dans différents quartiers de la capitale ce 30 octobre-là.
« Que justice soit rendue »
Le 2 novembre, en début d’après-midi, alors que Blaise Compaoré a quitté le pays pour la Côte d’Ivoire depuis 48 heures, de « nouvelles manifestations survenues lors des tentatives de déclaration du général Kouamé Lougué et de Saran Sérémé à la Radiotélévision du Burkina (RTB) ont déclenché des tirs de sommation des militaires du RSP ». Ceux-ci font deux nouveaux morts : Abdoul Moubarak Belem et Ouébidoua Aouedri.
En raison du règlement de la Haute cour de justice, les familles de ces différentes victimes n’ont pu se constituer parties civiles dans cette procédure contre Blaise Compaoré et le gouvernement Tiao. « Nous aurions préféré qu’il en soit autrement, déplore Nébon Bamouni, le porte-parole de l’Union des familles des martyrs de l’insurrection populaire. Mais cela ne nous empêche pas d’attendre qu’une chose : que justice soit enfin rendue. »
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