États-Unis : plus haut, plus vite… moins noir
Le sport est un miroir dans lequel l’Amérique postraciale aime se contempler. Et ce qu’elle y voit – plusieurs affaires récentes en témoignent – n’est pas toujours très reluisant.
Alors que les États-Unis célèbrent le cinquantième anniversaire du Civil Rights Act, l’emblématique loi sur les droits civiques, la perspective d’une cohabitation harmonieuse entre les différentes communautés ethniques paraît encore bien lointaine. Le 9 août à Ferguson, dans le Missouri, la mort de Michael Brown, 18 ans, l’a rappelé : les jeunes Africains-Américains restent d’éternels suspects sur lesquels, à l’occasion, les policiers n’hésitent pas à tirer. Et le 10 septembre, dans l’Utah, la mort de Darrien Hunt, un Noir de 22 ans abattu de six balles dans le dos par un policier, l’a confirmé.
Même le sport, ce miroir dans lequel l’Amérique postraciale aime se mirer, n’est pas à l’abri des préjugés les plus éculés, quoique moins meurtriers. Au mois d’avril, par exemple, les déclarations de Donald Sterling, propriétaire de l’équipe de basket-ball des Los Angeles Clippers, ont fait scandale.
Dans une conversation téléphonique enregistrée à son insu, le brave homme suggérait à une amie de s’abstenir de "faire venir des Noirs" aux matchs des Clippers. Il a depuis été radié à vie de la NBA, condamné à une amende de 2,5 millions de dollars (1,94 million d’euros) et contraint de vendre son équipe (pour 2 milliards de dollars).
C’est à présent au tour d’une autre équipe de NBA, les Atlanta Hawks, d’être plongée dans la tourmente. Lors d’une récente conférence de presse, Danny Ferry, son manager général, s’est laissé aller à des commentaires déplacés sur la personne de Luol Deng, joueur sud-soudanais des Miami Heat pressenti pour signer chez les Hawks. "Il y a un peu de l’Africain chez lui, a-t-il estimé. C’est le genre de type à posséder un magasin ayant pignon sur rue mais qui vous vendra des produits contrefaits dans l’arrière-boutique." Deng a répliqué qu’il n’y avait pas "un peu" mais "beaucoup" d’Africain en lui. Et que c’était "une source de force et de fierté".
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Très mauvais pour le business
Non moins embarrassant, un e-mail rendu public récemment mais écrit en 2012 par Bruce Levenson, le propriétaire de ces mêmes Hawks, dans lequel il se plaignait que trop de Noirs assistent aux matchs de son équipe. Très mauvais pour le business, selon lui… "Ils font fuir les Blancs, écrit-il, alors qu’ils ne sont pas assez nombreux pour remplir la salle tout au long de la saison." Levenson n’aime pas non plus les pom-pom girls noires.
Et moins encore la musique hip-hop jouée entre deux quarts-temps. Il a été contraint de s’excuser, mais l’image d’Atlanta en tant que grande ville tolérante du sud des États-Unis en a pris un sacré coup. Rappelons qu’environ 75 % des joueurs de basket sont noirs. Et que seuls deux propriétaires d’une équipe de NBA le sont aussi. L’un d’eux se nomme Michael Jordan. L’ex-superstar du basket mondial est aujourd’hui le patron des Charlotte Hornets.
Harcelé pendant deux saisons
Le football américain n’est pas épargné. L’an dernier, Jonathan Martin, un joueur noir de l’équipe des Dolphins de Miami, a accusé l’un de ses coéquipiers blancs de l’avoir harcelé pendant deux saisons. Abreuvé d’injures racistes et sexuelles, il a fini par quitter l’équipe. Même la vague de scandales qui secoue actuellement ce sport – plusieurs joueurs se sont rendus coupables de violences domestiques – n’est pas exempte d’une dimension raciale.
Accusé d’avoir frappé jusqu’au sang son fils de 4 ans avec une badine en bois, Adrian Peterson, star africaine-américaine des Minnesota Vikings, a répondu qu’il avait été élevé ainsi par sa famille. Et que c’est cette éducation à la dure qui, selon lui, lui a permis de percer dans le sport professionnel.
De fait, selon certaines études, la fessée serait plus répandue chez les Africains-Américains que dans tout autre groupe ethnique. Un héritage de l’esclavage, a expliqué dans le New York Times Michael Eric Dyson, professeur de sociologie à l’université de Georgetown, à Washington. À l’en croire, certains parents noirs corrigeraient leurs enfants pour leur apprendre à garder leur calme le jour, presque inévitable, où ils auront affaire à la police : "Ils préfèrent frapper leur progéniture plutôt que d’avoir à l’enterrer."
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