Fidji : pas commode, ce Commodore !
En Occident, Frank Bainimarama passe pour un autocrate infréquentable. Pourtant, il est bel et bien en train de moderniser les Fidji. Le 17 septembre, il a même été régulièrement élu !
Frank "Voreqe" Bainimarama a tenu sa promesse. En décembre 2006, au lendemain de son putsch, le chef des armées fidjiennes avait juré de ramener son pays sur la voie de la démocratie. C’est chose faite depuis le 17 septembre, et les premières élections libres organisées depuis huit ans dans l’archipel. Trois jours plus tard, le Commodore en personne a annoncé les résultats dans le grand stade de Suva, la capitale.
Vainqueur avec près de 60 % des suffrages, le désormais vice-amiral en retraite – il a eu 60 ans en avril – est dorénavant Premier ministre, élu avec une majorité confortable et l’aval d’une communauté internationale pressée de tourner la page de la dictature.
Avec un Parlement qui ne siégeait plus, une opposition en exil, un Grand Conseil des chefs coutumiers renvoyé dans ses villages et des pasteurs méthodistes cantonnés dans leurs temples, Bainimarama a régné sans partage et par décret pendant huit longues années. Mis au ban du Commonwealth, il s’est trouvé de nouveaux amis, chinois notamment, et a provoqué l’ire des États-Unis et de l’Australie, pas franchement ravis de voir les navires de l’Armée populaire de libération patrouiller dans leur arrière-cour.
Une popularité et un respect certains
À l’étranger, le Commodore passe pour un despote, mais, chez lui, il jouit d’une popularité et d’un respect certains. "C’est peut-être le régime le plus progressiste depuis l’indépendance, en 1970", assure sans rire un journaliste fidjien pourtant bien placé pour savoir que les médias locaux, à commencer par le quotidien du magnat australien Rupert Murdoch (The Fiji Times), ont été mis au pas de manière musclée.
Grâce à l’alliance chinoise, le pays s’est doté des infrastructures qui lui faisaient cruellement défaut. Et, peu à peu, la société mélanésienne, longtemps figée dans la tradition, se débloque. Bainimarama a rendu l’éducation gratuite, imposé des quotas pour les femmes dans les administrations, instauré un salaire minimum et abaissé l’âge légal de la majorité à 18 ans.
"Il a toujours été convaincu d’avoir un rôle historique à jouer et se sent investi d’une mission : mettre fin aux tensions ethno-nationalistes qui, depuis toujours, empoisonnent la vie politique locale et sont à l’origine de quatre putschs, celui notamment qui, en mai 2000, faillit lui coûter la vie", estime un ancien diplomate étranger. "C’est l’argument principal qu’il a utilisé à l’époque pour justifier sa prise de pouvoir", confirme l’universitaire australien Marc Hayes.
Quoi qu’il en soit, le terme de "Fidjien" a été étendu à l’ensemble de la population, y compris aux 35 % de ressortissants d’origine indienne établis dans l’archipel depuis plusieurs générations. Mieux, en 2013, une nouvelle Constitution a été promulguée, qui bannit toute discrimination entre communautés. "Si le clivage ethnique entre Mélanésiens et Indo-Fidjiens finit par s’estomper, cela pourrait porter un coup fatal à la culture du coup d’État", veut croire Marc Hayes. C’est en tout cas au nom de "tous les Fidjiens" que Bainimarama a prêté serment le 22 septembre.
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