RDC : ce que contient (vraiment) le rapport confidentiel des évêques sur le cas Katumbi

Jeune Afrique a pu consulter mercredi le rapport de la commission ad hoc sur la décrispation politique en RDC adressé fin mars au président Kabila. Un document confidentiel qui recommande entre autres le retour en « homme libre » de l’opposant Moïse Katumbi au pays. En voici les raisons.

L’opposant congolais Moïse Katumbi, le 5 juillet 2016 à Paris. © Vincent Fournier/J.A.

L’opposant congolais Moïse Katumbi, le 5 juillet 2016 à Paris. © Vincent Fournier/J.A.

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Publié le 3 mai 2017 Lecture : 3 minutes.

Sur 29 pages, la commission épiscopale ad hoc sur la décrispation politique en RDC (CEDP), revient sur les cas emblématiques de deux opposants congolais, Moïse Katumbi et Jean-Claude Muyambo, poursuivis dans un litige immobilier qui constitue en fait, selon les évêques, un procès politique.

Entre le 25 janvier et le 16 février, les six membres de la CEDP – Mgrs Félicien Mwanama (évêquee de Luiza), Nicolas Djomo (évêque de Tshumbe), Fidèle Nsielele (évêque de Kisantu) ainsi que l’abbé Symphorien Lopoke, Me Chris-Cicéron Bakuma (avocat conseil de la Cenco) et Godefroid Manzala (procureur général émérite) – ont échangé avec les différentes institutions et personnalités intervenues dans les dossiers concernés. Ils ont été à Lubumbashi où se trouve l’immeuble au cœur de la querelle, puis Kinshasa, Bruxelles et Paris. Qu’ont-ils trouvé ?

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De « graves irrégularités »

Après ces entretiens et une analyse approfondie des dossiers, la commission mise en place par les évêques catholiques a relevé de « graves irrégularités tant dans la cause et l’objet du litige que dans la forme du droit ».

La commission pointe notamment le « montage du dossier judiciaire contre M. Moïse Katumbi Chapwe ». Alors que ce dernier a été notamment condamné à trois ans de prison pour usage de faux dans le litige immobilier l’opposant à un citoyen grec, les membres de la CEDP ont découvert une incohérence dans la chronologie des faits imputés à l’opposant

« Moïse Katumbi est parti en exil en 1997 (…), soit près d’une année avant la date de signature de l’acte de vente en question, mais aussi il est revenu au pays en 2003 (…), soit plusieurs mois après le 25 avril 2002, date à laquelle le conservateur [des titres immobiliers] affirme que le vendeur et l’acheteur ont comparu devant lui à Lubumbashi », soulignent-ils.

Un « règlement de comptes purement politique »

La commission dit avoir « toutes les raisons de croire que ces actes et pièces pour lesquels M. Moïse Katumbi est mis en cause sont fabriqués dans le seul but de l’inviter à ce procès et le condamner alors que les problèmes de fond évoqués devraient en principe concerner l’État congolais et M. Raphaël Katebe Katoto [demi-frère de Katumbi], jusque là détenteur du vrai titre non annulé et dûment reconnu par l’État ».

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En conséquence, la commission estime que « le procès collé à Moïse Katumbi est plutôt un règlement de comptes purement politique ».

Ancien cadre de la Majorité présidentielle, Katumbi avait claqué la porte du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD, parti de Joseph Kabila) en septembre 2015 pour dénoncer la volonté du président congolais de se maintenir au pouvoir au-delà de son second mandat constitutionnel.

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Grâce notamment à sa popularité, l’ancien gouverneur du Katanga avait été rapidement perçu comme le candidat le plus sérieux et redoutable face au camp Kabila dans l’hypothèse d’une présidentielle en RDC.

Un « acharnement » pour empêcher Katumbi d’être élu

C’est pourquoi, toujours selon la commission, « la thèse de l’acharnement contre Moïse Katumbi dans le seul but de l’empêcher de se faire élire n’est pas négligeable ».

Elle en veut pour preuve « toutes les influences politiques, particulièrement du chef des services de renseignement, exercées sur les juges » mais aussi « les injonctions et menaces de lourdes sanctions disciplinaires » qui pesaient sur des autorités judiciaires de Lubumbashi.

S’appuyant sur des informations et éléments recueillis sur le terrain, la commission soutient que la condamnation de Katumbi pour spoliation n’est qu’une « substitution maladroite du dossier des mercenaires ». L’opposant était en effet d’abord inculpé d’atteinte à la sûreté de l’État – le dossier a fait pschitt – avant d’être poursuivi dans l’affaire immobilière.

Recommandations des évêques face aux « mascarades »

Dénonçant des « mascarades » dans les deux procès engagés contre les opposants Muyambo et Katumbi, la commission invite Mgr Marcel Utembi, président de la Cenco, à plaider pour la « mise en liberté immédiate » du premier et le « retrait immédiat du mandat de prise de corps en faveur de Katumbi, son retour en homme libre afin qu’il exerce ses droits civils et politiques ».

La commission se prononce également en faveur du « classement sans suite des poursuites pour recrutement des mercenaires américains et pour atteinte à la sûreté de l’État à charge de Moïse Katumbi » et la « libération des personnes détenues » dans le cadre de ce « dossier dit des mercenaires ».

Refusant de se substituer au pouvoir judiciaire, elle en appelle aux autorités du pays pour qu’elles « veillent à laisser libre administration de la justice dans le cadre de toutes [ces] affaires pour l’organisation des procès équitables (…) ».

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