Plaidoyer pour le retour au Bénin des biens volés
Florent Couao-Zotti, écrivain béninois, auteur de La Traque de la musaraigne (Jigal, 2014), analyse le dossier du retour dans leur pays d’origine des biens volés au Bénin par la France. Face aux échecs successifs, il propose une nouvelle approche.
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Florent Couao-Zotti
Florent Couao-Zotti est un écrivain béninois.
Publié le 17 mai 2017 Lecture : 3 minutes.
Le ministre français des Affaires étrangères a adressé, voici quelques mois, une fin de non-recevoir à la requête du Bénin concernant le retour de ses biens patrimoniaux exilés sur le sol français. Début avril, une délégation béninoise conduite par le ministre de la Culture et du Tourisme s’est rendue à Paris pour relancer la négociation.
Le même refus poli lui a été opposé, fermant presque la porte à toute nouvelle initiative. Les Béninois ont pu se rendre compte à cette occasion que ce sujet mérite une approche plus méthodique et affinée, à mille lieues de l’amateurisme dont on l’avait jusqu’ici entouré.
La requête du gouvernement Talon relève d’une légitimité indéniable. Elle est, à l’instar de la lutte pour la reconnaissance de la traite négrière comme crime contre l’humanité, l’un des combats majeurs des anciens peuples colonisés. Exiger le retour dans leur pays des objets issus de leur patrimoine n’est pas seulement un acte politique, c’est aussi une revendication culturelle essentielle.
Visite diplomatique
Ce dossier, parce que singulier, mérite toutefois un traitement particulier. Il doit en effet bénéficier d’un déploiement de compétences à la fois diplomatiques, intellectuelles et culturelles. Or cette approche ne peut être mise en avant qu’en France, sur le territoire où se trouvent la plupart des objets volés.
La diplomatie commanderait donc que la requête soit portée par le chef de l’État béninois en personne, à l’occasion d’une visite officielle. Un tel déplacement, présenté comme culturel, susciterait à coup sûr un fort retentissement médiatique, surtout si la communication émanant de Cotonou articulait sa demande avec un argumentaire conséquent.
En cette occasion, la délégation présidentielle devrait être étoffée par la présence d’éminents intellectuels, comme des professeurs d’histoire et d’anthropologie, lesquels tiendraient conférence sur le sujet. Un tel exercice devant les officiels français représenterait un efficace moyen de séduction pour une diplomatie béninoise encore peu dynamique sur cette question.
Le chef de l’État gagnerait à s’entourer, lors de cette visite, d’hommes de culture – plasticiens, écrivains, chorégraphes, comédiens… Ces créateurs, qui font vivre dans leurs œuvres les éléments du patrimoine, constitueraient un atout supplémentaire pour la défense de cette cause. Ils montreraient, par exemple, que la construction de la mémoire collective et l’affirmation d’une identité commune passent aussi par un travail de réappropriation de ces objets.
Un espace pour les biens dérobés
Mais avant de voir cette démarche aboutir, il reste un préalable auquel doit impérativement souscrire le Bénin : l’aménagement, dans une ville du pays, d’un espace destiné à accueillir les biens dérobés. On évoque la construction d’un grand musée. Je militerais plutôt en faveur d’un lieu plus modeste, comme la restauration d’un bâtiment colonial – c’est un symbole –, en le reconfigurant aux normes muséales.
Car les arguments officieusement avancés jusqu’ici par les Français reposent en partie sur l’inexistence d’infrastructures adaptées. Même si ce raisonnement paraît superficiel et ne concerne, au demeurant, que la partie béninoise, il est important de priver l’ancienne puissance tutélaire de ce prétexte lénifiant visant à justifier sa réticence.
Seuls des négociations habiles et un lobbying constant pourront nous redonner accès à ces trésors confisqués
Quelle que soit la façon d’aborder la question, on se doit de rappeler que le Bénin, même s’il voyait son initiative couronnée de succès, ne pourrait recouvrer qu’une part infime de ses biens patrimoniaux. Évalués à près de cinq mille, ces objets sont, pour la plupart, des trésors de guerre rapportés en France après la conquête coloniale – on pense au trône de Gbêhanzin, aux symboles de la royauté du Danxomè et aux objets cultuels.
Mais soyons réalistes : aussi souveraine que puisse être la demande des Béninois, rien ne saurait leur être concédé par la confrontation ni par la génuflexion. Seuls des négociations habiles et un lobbying constant pourront nous redonner accès à ces trésors confisqués. Cela au nom de la responsabilité historique de la France. Et, surtout, en vertu d’une certaine éthique.
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