France : nouvelle naissance
À l’heure où j’écris (et où ce numéro de Jeune Afrique est en cours de bouclage), elle est seulement annoncée. Mais l’arrivée au pouvoir suprême à Paris d’Emmanuel Macron, 39 ans, ne fait guère de doute.
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Béchir Ben Yahmed
Béchir Ben Yahmed a fondé Jeune Afrique le 17 octobre 1960 à Tunis. Il fut président-directeur général du groupe Jeune Afrique jusqu’à son décès, le 3 mai 2021.
Publié le 9 mai 2017 Lecture : 5 minutes.
Le 7 mai, une confortable majorité de Français en feront, par leurs votes, le huitième président de la Ve République française.
Pour cette république conçue, élaborée et mise en œuvre en 1958 par le général Charles de Gaulle, il pourrait s’agir d’une nouvelle naissance.
Si c’est le cas, elle interviendrait à la veille de ses soixante ans d’une existence mouvementée.
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Jeune Afrique et moi-même avons eu la chance, et peut-être le mérite, d’identifier cet homme nouveau de la politique française et d’attirer votre attention sur Emmanuel Macron, dont l’ascension fulgurante l’apparente à une fusée.
Dès le 4 mars dernier, j’écrivais ici même :
« Les Français éliront le 7 mai celle ou celui qui leur paraîtra “neuf”, parce qu’il ne défendra pas un système qu’ils rejettent.
Ce ne peut être, à mon avis, que Marine Le Pen ou Emmanuel Macron. (…)
Je pense, pour ma part, qu’Emmanuel Macron est un meilleur rempart que ne l’a été, aux États-Unis, Hillary Clinton. (…)
Il n’a pas 40 ans et s’est entouré d’hommes et de femmes de son âge, sauf rares exceptions.
S’il est élu, avec lui accédera au pouvoir une nouvelle génération de dirigeants : “une autre génération, c’est un autre peuple”. »
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La semaine dernière, après avoir rencontré celui qui n’était alors que candidat, Marwane Ben Yahmed écrivait dans Jeune Afrique :
«Quelle aventure ! Et quel camouflet pour les politiques de la France d’avant… En moins d’un an, Emmanuel Macron, 39 ans seulement, physique de jeune premier, sans parti (mais pas sans soutiens), est parvenu à se hisser au second tour de l’élection présidentielle face à la candidate d’extrême droite Marine Le Pen.
Autant dire, à moins d’un cataclysme, qu’il sera le prochain chef de l’État. Sur son chemin, les cadavres sont légion : François Hollande, Manuel Valls et Benoît Hamon, à gauche ; Alain Juppé, Nicolas Sarkozy et François Fillon, à droite. Excusez du peu !
Même l’épouvantail Le Pen a dû lui céder la première place, qui lui était pourtant promise depuis de longs mois. Sa conquête élyséenne doit beaucoup à l’effondrement des partis classiques et à la défiance des Français à leur égard. Encore fallait-il en avoir l’intuition et prendre le risque de relever le défi sans financement public et sans aucune certitude sur sa capacité à mobiliser ses partisans.
Sa stratégie du “ni de droite ni de gauche, mais les deux” – mûrie depuis neuf ans, lorsqu’il était rapporteur adjoint de la commission Attali sur la libération de la croissance, mise en place par Sarkozy et composée de personnalités des deux camps –, conjuguée à la critique d’un « système » dont il est pourtant un pur produit, a fonctionné à merveille.
Ajoutons à cela une campagne guère clivante, placée sous le signe de l’optimisme et axée sur les deux mantras que sont la modernité et la réforme, une capacité de séduction évidente, une communication maîtrisée, le soutien des grands médias et d’une large partie des capitaines d’industrie que compte le pays. »
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En France, des psychanalystes dotés d’humour noir ont dit d’Emmanuel Macron qu’il a d’abord épousé sa mère et a ensuite tué son père. En disant cela, ils font allusion à deux faits : en octobre 2007, il a épousé Brigitte Trogneux… son ancienne professeure de français qui a vingt-quatre ans de plus que lui et le pousse, aujourd’hui, vers le pouvoir suprême.
En 2016, il s’est brusquement éloigné de son père politique, François Hollande, pour se lancer à la conquête de l’Élysée, contraignant Hollande à ne pas se représenter, et donc à se saborder.
Élu le 7 mai, Emmanuel Macron devra faire élire, en juin, plus de deux cents députés et se trouver des alliés pour être en mesure de gouverner. Faute de quoi il devra se résoudre à une cohabitation, qui ferait de lui un président sans vrai pouvoir.
On postule aujourd’hui que les Français qui l’ont élu lui donneront une majorité et qu’il sera alors l’homme le plus puissant de France. Et l’un des plus puissants du monde.
Il a déjà dit, et cela le distingue de ses deux prédécesseurs, Nicolas Sarkozy et François Hollande, qu’il serait un président qui préside et laisserait au Premier ministre et à son gouvernement le soin de gouverner.
Ce retour à la manière dont le général de Gaulle exerçait la fonction serait sage, et l’on retrouverait la tradition gaullienne appliquée par les trois grands présidents qui ont succédé au général : Pompidou, Giscard d’Estaing et Mitterrand.
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Pressentant que ses successeurs seraient des « apprentis présidents », François Mitterrand a d’ailleurs énoncé qu’il était le dernier « grand président » de la Ve République ». Et, de fait, on a vu Chirac, Sarkozy et Hollande en apprentissage de la fonction pour laquelle ils ont été élus et dans laquelle ils ne se sont coulés qu’au bout de deux, trois ou même quatre ans !
Désignant Napoléon au moment où ce dernier accédait au pouvoir, Talleyrand fit cette prévision : « S’il passe la première année, il ira loin. »
On peut dire de même que si les astres continuent d’être favorables à Emmanuel Macron, sa formation, En marche !, gagnera en juin les élections législatives. Avec ou sans alliés, il détiendra alors le pouvoir d’agir et pourra comme il l’annonce conduire la République française à une forme de renaissance.
Il a montré qu’il en avait l’âge et les qualités : c’est un homme préparé, qui ose ce que les autres n’osent pas et n’hésite pas, selon la formule de Mitterrand, à « enfourcher le cheval qui passe ».
En juillet, il prendra en charge un pays qui, depuis le début des années 1990 – un quart de siècle ! –, s’est engagé sur la voie du déclin et, président après président, poursuit sa dérive.
Il n’est que temps d’y mettre un terme.
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S’agissant des relations de la France avec l’Afrique, Marwane Ben Yahmed dit, après avoir vu et écouté Emmanuel Macron, que c’est le candidat à la présidentielle française qui connaît le mieux, ou le moins mal, le continent africain. En tout cas, il s’y intéresse.
Macron s’intéresse à l’évolution de notre continent et sait que la France gagnerait beaucoup à renouer avec lui des liens qui se sont distendus, eux aussi, depuis vingt-cinq ans.
Reste à savoir s’il trouvera les hommes, l’énergie et le temps qu’il faut pour un tel infléchissement.
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