Tunisie : les questions que pose la démission surprise du chef de l’instance électorale
À sept mois des premières élections municipales de l’après-révolution, le chef de l’instance électorale en Tunisie, Chafik Sarsar, a démissionné brutalement ce mardi. Il a simplement évoqué des divergences de fond au sein du comité exécutif de l’instance.
Le chef de l’instance électorale en Tunisie (Isie), Chafik Sarsar, a démissionné à la surprise générale ce mardi 9 mai, provoquant une onde de choc dans le pays à sept mois des premières élections municipales de l’après-révolution.
Cette annonce a été faite par le président de l’instance lui-même, Chafik Sarsar, au cours d’une conférence de presse. Il a aussi fait part des départs du vice-président de l’Isie, Mourad Ben Mouelli, et d’une autre membre de l’instance, Lamia Zargouni.
Trois départs, qui interviennent dans un contexte de transition entre anciens et nouveaux membres au sein de l’Isie, et plus globalement, dans un contexte social et politique tendu, le tout à la veille d’un discours du président Béji Caïd Essebsi faisant l’objet de nombreuses spéculations.
Pourquoi ces trois départs ?
« Conformément au serment que nous avons prêté », d’après lequel « nous nous engageons à œuvrer à des élections libres et transparentes […], nous avons décidé de démissionner », a plus précisément déclaré le chef de l’instance électorale.
Sans pour autant s’étendre sur les raisons qui l’ont poussé avec ses deux collègues, à prendre cette décision, Chafik Sarsar a évoqué des divergences de fond au sein de l’instance, « touchant aux valeurs et principes sur lesquels celle-ci est fondée » bien plus qu’aux méthodes de travail.
« Nous sommes des gens qui se respectent et qui respectons la Constitution », a pour sa part commenté à l’AFP Lamia Zargouni, précisant que le bureau exécutif de l’instance était traversé par de nombreux « conflits ».
Nous sommes des gens qui se respectent et qui respectons la Constitution
Au siège de l’instance, de nombreux employés étaient en larmes ce mardi, a commenté l’agence de presse qui était sur place. Chafik Sarsar et l’Isie avaient de fait été salués pour leur organisation des élections législatives et présidentielle en 2014. Chafik Sarsar avait par ailleurs pesé de tout son poids au cours des derniers mois pour accélérer la tenue des premières municipales de l’après-révolution en Tunisie.
Attendues de longue date afin de consolider la transition démocratique, elles ont finalement été fixées au 17 décembre 2017. Depuis la chute de la dictature de Zine el Abidine Ben Ali en 2011, les municipalités étaient gérées par de simples délégations en charge des affaires courantes, ce qui a affecté sensiblement le quotidien des Tunisiens (infrastructures défaillantes, ramassage déficient des ordures, etc.).
Que va-t-il se passer au sein de l’instance ?
« L’Isie a montré sa capacité à mener à bien un processus électoral dans une démocratie naissante. C’est aussi l’une des rares instances institutionnelles indépendantes de la nouvelle Tunisie », a pointé l’analyste Selim Kharrat.
Elle devra désormais se trouver trois nouveaux membres, que les députés auront la charge de nommer, comme l’a rappelé ce mardi Chafik Sarsar. Et ce d’ici la fin de la session parlementaire. Pas évident, donc.
Selon Selim Kharrat, « ce choc intervient dans un contexte politique déjà tendu, avec une nouvelle tentative de la présidence de la République de faire passer un projet de loi décrié sur la réconciliation […] et un récent remaniement du gouvernement ». « On est dans une situation qui n’est pas sereine », a-t-il relevé.
Si la Tunisie, unique pays rescapé du Printemps arabe, est parvenue jusque-là à faire avancer sa transition démocratique, elle reste engluée dans la morosité économique et sociale. Entré en fonctions il y a moins d’un an, le gouvernement de Youssef Chahed est à son tour confronté à une grogne sociale croissante, en particulier dans les régions de l’intérieur.
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