Daviz Simango : « Le MDM est prêt à 100% pour gouverner le Mozambique »
Le candidat du Mouvement démocratique du Mozambique (MDM), Daviz Simango, joue depuis 2008 les troubles fêtes au sein du couple historique Frelimo-Renamo. Deviendra-t-il la principale figure de l’opposition lors des élections générales du 15 octobre prochain au Mozambique ? Interview.
Descendant d’une famille de résistants à l’occupation portugaise, l’actuel maire de Beira est le fils d’Uria Simango, le premier vice-président du Frelimo, qui fut écarté puis éliminé par le gouvernement de Samora Machel dans les premières années du Mozambique indépendant. Son parti, le MDM, se présente pour la deuxième fois à l’élection présidentielle. En 2009, le candidat Simango avait alors recueilli 8,6% des suffrages.
Aux municipales de novembre 2013, le MDM a profité du boycott électoral orchestré par la Renamo pour remporter, en plus de Beira et Quelimane, deux autres villes d’importance dans le nord (Nampula et Gurúè), progressant également dans le sud (Matola et Maputo, la capitale). Face aux moyens quasi-illimités de la machine électorale Frelimo, le MDM parviendra t-il à ravir la place de premier opposant à la Renamo, voire à provoquer un second tour à la présidentielle, ce qui serait une première au Mozambique ?
Jeune Afrique : avant de fonder le MDM, vous aviez quitté la Renamo en 2008 car le parti vous refusait l’investiture pour un second mandat de maire…
Daviz Simango : Concernant ma sortie de la Renamo, je ne connais toujours pas, au jour d’aujourd’hui, les raisons qui expliquent pourquoi la direction du parti m’a ordonné de ne pas concourir une deuxième fois.
J’ai dirigé la municipalité de Beira sous les couleurs de la Renamo jusqu’en 2009, soit pendant cinq ans. Cinq ans durant lesquels je n’ai reçu aucun programme, aucune directive de la part du parti. J’ai donc utilisé de mon intelligence, de mes propres ressources pour préparer un programme politique. Un programme qui leur a même servi par la suite.
Le MDM fut créé en 2009 par des dissidents de la Renamo, du Frelimo, et d’autres partis mozambicains. En quoi est-il différent des autres partis politiques ?
Nous avons un programme clair, composé de quatre piliers : la réduction des pouvoirs du chef de l’État, le renforcement du pouvoir local, la création d’un système électoral plus inclusif, véritablement au service du citoyen et, enfin, une réforme de la justice fondée sur un changement profond des mentalités.
De gigantesques réserves de ressources naturelles (gaz, pétrole…) ont été découvertes ces dernières années au Mozambique. Que proposez-vous pour que le pays entier puisse profiter des bénéfices liés à l’exploitation des ressources ?
Pour parler concrètement des ressources naturelles, un pays ne peut pas se développer avec des monopoles. Ils génèrent de la corruption et des conflits d’intérêt. Les monopoles font que les bénéfices fiscaux échappent à la population.
La globalisation ne doit pas nous faire oublier notre origine rurale.
Par ailleurs, au Mozambique, nous nous dirigeons actuellement vers une gestion des ressources naturelles qui pêche par l’absence de syndicats. Or un syndicat suppose la consultation des populations locales, afin que les bénéfices de ces dernières soient clairement définis pour qu’elles ne souffrent pas de préjudices sociaux ou économiques liés à l’exploitation. La globalisation ne doit pas nous faire oublier notre origine rurale.
Les critiques à l’égard du MDM affirment que celui-ci n’est pas prêt à assumer le pouvoir au niveau national. Dans un pays où le même parti, le Frelimo, est aux manettes depuis l’indépendance, en 1975, quelles sont les chances réelles de voir votre parti remporter les élections du 15 octobre ?
Lorsque j’ai été élu en 2003, Beira était ingouvernable. Et pourtant je suis parvenu à mettre en place une gestion meilleure que toutes celles des municipalités du Frelimo réunies. Je continue d’ailleurs à gagner des prix internationaux en tant que meilleur maire du Mozambique.
Nous avons désormais l’opportunité de transférer notre expérience au niveau national. Nous voulons changer les mentalités : mettre fin au paternalisme de l’État, aux discriminations. Nous voulons la solidarité, l’inclusion, la justice. Nous n’allons pas mettre les fonctionnaires publics à la porte, nous n’allons intimider personne. Bien au contraire : il existe au Mozambique des fonctionnaires qui sont capables d’accomplir beaucoup de choses, mais qui n’en ont pas la possibilité. Nous voulons donc libérer ces personnes, pour qu’ils puissent enfin faire leur travail sans obstacles. Le MDM est donc prêt à 100% pour gouverner le pays.
Si l’on renverse la question, pensez-vous que le Frelimo est prêt pour la transition ? Est-il prêt à laisser le pouvoir de manière pacifique ?
Je dirais même : le Frelimo comme la Renamo sont-ils prêts ? La Renamo n’est pas prête à devenir une opposition qui ne serait plus la deuxième force du pays. Et le Frelimo n’est pas prêt à quitter le pouvoir. Il va pourtant devoir le faire, si tel est le choix du peuple. En 2003, nous avons dû attendre presque deux semaines avant que les résultats ne soient proclamés, parce que le Frelimo n’était pas prêt. À Quelimane, à Nampula, à Gurué non plus ils n’étaient pas prêts. Mais ils ont quand même dû se résigner à partir.
Que pensez-vous du récent cessez-le-feu entre le gouvernement et la Renamo ?
C’est une bonne chose même si elle résulte d’une négociation entre deux partis politiques et d’accords passés sous la table. J’imagine qu’ils ont tout fait pour s’entendre sur les conditions dans lesquelles les élections vont se dérouler. S’il n’y avait pas eu d’élections, l’un comme l’autre serait dans une situation politique délicate.
Frelimo comme Renamo, les deux partis tremblent face à notre progression.
Le MDM appelle de ses vœux depuis sa création l’intégration des forces résiduelles de la Renamo dans l’armée mozambicaine. Mais personne ne nous a écoutés. Pour que le pays passe par une véritable transition, il faudrait que les élections soient remportées par un parti comme le MDM, qui n’a pas de tradition belliciste.
D’une certaine manière, ce cessez-le-feu, qui permet à la Renamo de revenir dans le débat public à un mois des élections, est un frein à la progression du MDM. Pensez-vous qu’il existe un arrangement Frelimo-Renamo pour contrer le MDM ?
Depuis que le MDM est apparu, nous ressentons la force du "Frenamo", et celle-ci se fera d’autant plus sentir lors des prochaines élections que les deux partis tremblent face à notre progression.
Pensez-vous que le processus électoral puisse se dérouler pacifiquement ? La commission nationale électorale (CNE) a appelé les candidats à mettre fin aux violences, traditionnellement nombreuses en période de campagne.
Il y a de la violence dans les campagnes, et le premier responsable en est le Frelimo. Ils brûlent nos voitures, nos bâtiments, les maisons de nos membres. Tous les jours, certains de nos membres sont mis en détention. Et cette violence va en augmentant. Cela montre une fois de plus que le Frelimo est conscient de notre immense progression et tente désormais de réagir.
Leurs moyens de communication sont énormes. Comment faites-vous face à la machine électorale du Frelimo ?
Ils nous volent depuis tellement longtemps, vous vous attendiez à quoi ? Lorsque l’on dit que le Frelimo est un parti de corrompus, ce n’est pas par hasard. Mais vous verrez, parmi tous ceux qui portent des tee-shirts du Frelimo, beaucoup d’entre eux voteront MDM le 15 octobre prochain.
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Propos recueillis à Maputo par Adrien Barbier
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