Zimbabwe : Tsvangirai-Mujuru, un mariage politique de raison contre Mugabe
Le principal opposant à Robert Mugabe et son ex-vice présidente s’allient pour tenter de faire tomber l’inamovible président du Zimbabwe. Mais il leur reste à choisir lequel des deux prendra la tête de cette alliance pour affronter l’actuel chef d’État lors de l’élection présidentielle de 2018.
Âgé de 93 ans, l’actuel chef de l’État Robert Mugabe a déjà été investi pour l’élection présidentielle de 2018 et entend bien prolonger ainsi son règne sans partage de trente-sept ans. Pour le défier dans les urnes, Morgan Tsvangirai la principale figure de l’opposition, et Joice Mujuru, une ex-proche de Robert Mugabe en rupture de ban, ont contracté un improbable mariage politique. « Ce grand rapprochement au sein d’une même force démocratique va donner de la confiance à notre peuple. Les discussions se passent très bien », assure à l’AFP Joice Mujuru dans le jardin de sa grande maison de la banlieue chic d’Harare.
Mais battre Robert Mugabe aux élections n’est pas une mince affaire au Zimbabwe. Par trois fois, Morgan Tsvangirai a essayé, sans succès. En 2008, pourtant arrivé en tête au premier tour, il avait préféré retirer sa candidature pour faire cesser la violente répression engagée par le régime contre ses partisans. Cinq ans plus tard, largement battu par Robert Mugabe au premier tour, il avait dénoncé les fraudes de son adversaire.
« La Zanu-PF n’a pas gagné les élections ces dernières années, elle les a trafiquées. Je ne m’attends pas à ce que Mugabe dise ‘je vais créer des conditions pour un scrutin libre et transparent’ », déplore le chef de l’opposition, interrogé par l’AFP dans son bureau de la capitale zimbabwéenne. « S’il y a un verdict clair des urnes, personne ne pourra se mettre sur le chemin du peuple », espère-t-il néanmoins.
« S’unir malgré leurs différences idéologiques »
Le Zimbabwe traverse depuis les années 2000 une grave crise économique qui l’a considérablement appauvri. L’an dernier, un ras-le-bol d’une ampleur rare avait secoué le pays, marqué par plusieurs grèves générales et manifestations finalement matées par le pouvoir. L’opposition espère récolter les fruits de ce mécontentement pour parvenir enfin à déloger Robert Mugabe de son trône.
Mais les défis politiques s’annoncent compliqués. Morgan Tsvangirai doit notamment convaincre ses partisans que Joice Mujuru, longtemps ministre puis vice-présidente jusqu’en 2014, peut être une partenaire fiable. Et de fait, longtemps, cette femme de 62 ans a été considérée comme une des favorites à la succession de Robert Mugabe à la tête du parti au pouvoir. Elle a construit sa légende lors de la guerre pour l’indépendance du Zimbabwe, où, jeune guerillera, elle assure avoir elle-même abattu un hélicoptère. Il y a trois ans, elle a finalement été éjectée de la garde rapprochée du chef de l’État, accusée de vouloir le renverser.
Son ancienne proximité avec le sommet de l’État pourrait cependant permettre à l’opposition d’attirer d’anciens partisans du régime, comme les anciens combattants de la guerre d’indépendance devenus de plus en plus critiques envers le chef de l’État.« Tous ceux qui veulent mettre fin au régime de la Zanu-PF doivent s’unir malgré leurs différences idéologiques », assure Morgan Tsvangirai.« Je pense que [Joice Mujuru] a de bonnes intentions et moi aussi. Les gens vont comprendre que nous sommes tous les deux engagés dans la réussite de ce processus », ajoute-t-il.
L’exemple gambien
Les deux personnalités ont déjà eu l’occasion de travailler ensemble, entre 2009 et 2013, lorsque Morgan Tsvangirai était le Premier ministre d’un gouvernement d’union nationale. « Pour moi, c’était l’occasion de voir les Zimbabwéens travailler ensemble en harmonie », se souvient Joice Mujuru. « J’étais une des rares à être toujours à l’écoute des partis d’opposition », assure-t-elle.
Les deux nouveaux alliés rêvent désormais d’imiter l’exemple gambien, où une alliance d’opposition a réussi l’an dernier à battre Yaya Jammeh après vingt-deux ans de pouvoir. Il leur reste toutefois une décision importante à prendre. Choisir celui ou celle qui prendra la tête de l’alliance. Un Morgan Tsvangirai au profil rassembleur, mais qui lutte contre un cancer ou une Joice Mujuru, mieux à même de regagner la confiance des investisseurs internationaux qui ont fui le pays ces dernières années ?
Au-delà de ce choix, la question du soutien à cette union des figures de la société civile qui ont porté la vague de manifestations de l’an dernier s’annonce cruciale. « Tsvangirai devrait être le chef, la question est de savoir de quels soutiens il bénéficiera de la part de ses alliés », souligne Ivor Jenkins, du mouvement pro-démocratie « In Transformation » qui tente d’aider les négociations au sein de l’opposition.
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