Armée malienne : l’urgence de la réforme
Souffrant d’un cruel manque d’unité, la police et l’armée sont deux grands corps malades. Le gouvernement a engagé une réforme pour les réanimer. Il y a urgence.
Effectifs mal recensés, chaîne de commandement aux contours flous, corruption… La réforme des forces de sécurité ne se fera pas en un jour. Ibrahima Diallo, le coordinateur du Groupe pluridisciplinaire de réflexion sur la réforme de la sécurité (GPRRS), inspecteur général au ministère de l’Intérieur, a remis son rapport au gouvernement en juillet.
Son premier constat porte sur le manque d’effectifs : avec 3 000 gendarmes, autant de policiers et 2 000 fonctionnaires chargés de la protection civile, le ratio par rapport à la population (17 millions d’habitants) "est parmi les plus faibles au monde, avec un agent de sécurité pour 3 000 habitants, la moyenne mondiale étant de 1 pour 300 à 400 habitants", indique Ibrahima Diallo. Il faudra donc embaucher de nouveaux éléments, tout en modifiant les méthodes de recrutement et la gestion des ressources humaines.
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Ce n’est pas un secret, qu’ils soient civils ou militaires, les agents de la force publique sont corruptibles et le resteront tant qu’ils n’auront pas un salaire décent. "Un fonctionnaire qui n’a pas de quoi boucler ses fins de mois peut facilement tomber dans cet engrenage", explique Ibrahima Diallo. Il est donc urgent de revoir la grille des rémunérations et la prise en charge sociale de ces agents.
Encore faut-il que primes et salaires soient bien distribués : la clarification de la hiérarchie, l’épuration de listes d’effectifs pas toujours conformes à la réalité et la bancarisation de chaque fonctionnaire devraient permettre d’éviter que soldes et primes ne soient "sucrées" par des chefs peu scrupuleux.
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Des dérives fréquemment observées
La réforme devra aussi rétablir l’unité au sein des forces de sécurité. En effet, le conflit entre bérets verts (qui ont formé la junte à l’origine du coup d’État) et bérets rouges (qui constituaient la garde rapprochée de l’ex-président Amadou Toumani Touré) en mars 2012, puis les violences entre syndicats de policiers, en septembre 2012, ont révélé deux choses. De profondes dissensions au sein des forces de sécurité et la nécessité de revoir le rôle des syndicats, outils d’instrumentalisation. "Il faut cesser de privatiser certains corps, trop souvent mis au service de responsables politiques", estime un fonctionnaire international.
La mise en oeuvre d’une formation adéquate devrait par ailleurs mettre un terme à des dérives fréquemment observées, telles que les arrestations arbitraires, les gardes à vue trop longues ou la prise en charge, par la police ou l’armée, de questions qui sont du ressort de la justice. Il n’est pas rare, par exemple, que les citoyens fassent appel à un policier ou à un gendarme pour obtenir par intimidation le règlement d’une dette. À cet égard, l’articulation entre les fonctions de la police, de l’armée et de la justice gagnerait à être clarifiée.
Enfin, les partenaires étrangers se pressent au chevet des forces de sécurité. L’Union européenne et les Nations unies ont mis en place leurs programmes de formation, et des accords bilatéraux avec la France, les États-Unis, le Japon, le Maroc ou l’Espagne complètent le dispositif.
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Un toit pour chaque soldat
Partenaire privilégié du Mali depuis l’élection d’Ibrahim Boubacar Keïta, le Maroc investit massivement dans le pays. Lors de la visite de Mohammed VI à Bamako en février, au cours de laquelle 17 accords et protocoles ont été signés, le ministère malien de la Défense a approuvé une "convention d’intention" avec le groupe immobilier marocain Alliances. Objectif à terme : fournir un logement à chaque militaire, en fonction de son budget.
Un projet qui s’inscrit dans le sillage du premier programme de logements sociaux pour les militaires, lancé en janvier à Sébénikoro (commune IV de Bamako). Réalisé sur 15 hectares, dans le cadre d’un partenariat public-privé entre l’État et la Société immobilière et foncière du Mali (Sifma), chargée de mobiliser les fonds, le projet porte sur 850 logements de type F3 et F4, dont les prix varieront entre 8,5 et 10 millions de F CFA (13 000 et 15 250 euros). Ils devraient être livrés en juin 2016. Cécile Manciaux
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