Mali : l’opposition en quête de temps de parole

Une réforme est à l’étude pour renforcer le rôle de contre-pouvoir de l’opposition. Ce ne sera pas du luxe, car elle ne compte que vingt et un députés et on ne l’entend guère sur les ondes de la radio d’État.

Modibo Sidibé (à g.) et Soumaïla Cissé, au siège de l’URD, à Bamako, le 16 avril. © Daou Bakary Emmanuel

Modibo Sidibé (à g.) et Soumaïla Cissé, au siège de l’URD, à Bamako, le 16 avril. © Daou Bakary Emmanuel

Publié le 3 octobre 2014 Lecture : 3 minutes.

Pour célébrer la première année d’Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) à la tête du Mali, l’opposition a organisé une manifestation à Paris le 6 septembre, puis à Kayes et à Bamako le 7. L’appel a été lancé par six partis, dont l’Union pour la République et la démocratie (URD) de Soumaïla Cissé, le Parti pour la renaissance nationale (Parena) de Tiébilé Dramé et les Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence (Fare) de Modibo Sidibé. Leur objectif ? Montrer que face à un exécutif qui a su fédérer la plupart des formations, l’opposition n’est pas aphone.

>> Lire aussi l’interview de Soumaïla Cissé : "IBK n’a pas de feuille de route" pour le Mali

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"Nous ne sommes jamais consultés", déplore Soumaïla Cissé, perdant du second tour de la présidentielle de 2013 avec 22,39 % des suffrages. "En un an, nous avons levé le voile sur la mauvaise gouvernance, dénoncé l’amateurisme qui a prévalu lors de la visite de Moussa Mara à Kidal [en mai dernier, après la débâcle militaire], alerté l’opinion sur le népotisme qui règne au sein du gouvernement", souligne le chef de l’URD, qui se félicite du "dynamisme" de l’opposition.

Celle-ci est pourtant loin d’avoir les coudées franches. Elle ne compte que 21 députés à l’Assemblée – une force de frappe plutôt limitée. Par ailleurs, ses leaders rappellent que le pays est en crise et que nul ne veut revivre les manifestations violentes qui ont marqué la transition. "On ne va pas fragiliser davantage le camp présidentiel", explique Tiébilé Dramé, en évoquant ses "scrupules républicains" à tirer sur l’ambulance.

"L’immobilisme conduit au pourrissement"

Le président du Parena n’a cependant pas adouci son discours. En juin 2013, il avait dénoncé une présidentielle "à marche forcée" et retiré sa candidature. L’issue du scrutin ne l’a pas surpris. La gestion du pouvoir, un an après l’investiture d’IBK, non plus. "J’aurais aimé avoir tort. Mais l’immobilisme conduit au pourrissement."

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Et l’artisan de l’accord préliminaire de Ouagadougou, signé le 18 juin 2013 entre le gouvernement de transition et les groupes armés, ne décolère pas en évoquant la politique menée dans le nord du pays : "Cet accord devait être mis en place dans les soixante jours. Nous avions abouti à des avancées essentielles concernant l’intégrité territoriale, la laïcité ou le redéploiement de l’administration malienne. Mais je ne suis même pas sûr qu’un seul ministre l’ait seulement lu ! Avec ce texte, IBK aurait pu coincer communauté internationale et groupes armés, mais il a préféré l’ignorer et verser dans la surenchère verbale, attisant les tensions. Résultat, aujourd’hui, le rapport des forces est défavorable au gouvernement."

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Se réapproprier un espace de parole

En août, le ministre de l’Intérieur a préparé une réforme des statuts de l’opposition (établis en 2000), afin de permettre à cette dernière de jouer un véritable rôle de contre-pouvoir. Un projet de loi a été adopté et sera déposé en octobre à l’Assemblée pour être examiné lors de la prochaine session. "C’est inutile, tranche Tiébilé Dramé. Qu’ils s’occupent de gérer le pays. Nous n’avons pas besoin que l’opposition soit reconnue."

Soumaïla Cissé, lui, voit d’un bon oeil cette réforme pourvu qu’elle soit correctement menée : "On fait beaucoup de choses, mais dans les campagnes, les gens n’ont accès qu’à la radio d’État, dont nous sommes absents. Si la loi met en place des quotas pour l’opposition, nous pourrons être entendus."

Le dépôt par l’opposition d’une motion de censure contre le Premier ministre, le 13 juin, relève justement de cette stratégie visant à se réapproprier un espace de parole. "Nous savions que la motion serait rejetée, mais nous voulions surtout provoquer la discussion… Et cette démarche a réussi au-delà de nos espérances, explique le patron de l’URD. Pendant quatre heures, le débat a été retransmis en direct depuis l’Assemblée. Le budget, les marchés de gré à gré ou l’achat de l’avion présidentiel sont autant de questions qui ont pu être discutées devant les Maliens."

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Dorothée THIÉNOT, envoyée spéciale à Bamako

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