Corée du Nord : casse-pipe évangélique
Des Églises américaines ont implanté en Mandchourie, près de la frontière, des réseaux de prosélytes chargés d’apporter la parole de Dieu à leurs anciens compatriotes. Au péril de leur vie.
Six années de travaux forcés dans un camp de travail pour avoir, selon l’Agence centrale de presse nord-coréenne (KCNA), "commis des actes hostiles en pénétrant sur le territoire sous le déguisement d’un touriste". À l’annonce de sa condamnation, le 14 septembre, Matthew Miller, un jeune Américain de 24 ans, n’a pas bronché. Son crime ? Le 10 avril, à son arrivée à Pyongyang, il a déchiré son passeport et son visa de touriste.
"Je demande l’asile politique et souhaite prendre la nationalité nord-coréenne", aurait-il déclaré aux autorités. Les motifs du jeune homme restent assez largement obscurs : pourquoi renoncer à une vie confortable en Californie pour une autre qui l’aurait été assurément beaucoup moins en Corée du Nord ? Coup de folie ? Naïveté ?
Évangéliser la corée du Nord : actes hostile
Sa condamnation porte à trois le nombre d’Américains aujourd’hui accusés de crimes par le régime de Pyongyang. Les deux autres se nomment Jeffrey Fowle et Kenneth Bae. Le premier, arrêté en mai pour avoir laissé une bible dans les toilettes d’un hôtel de Chongjin, est en attente de son procès. Le second, guide touristique et missionnaire évangélique, purge une peine de quinze ans de travaux forcés, lui aussi pour "actes hostiles".
Point commun entre ces deux hommes : leur volonté d’évangéliser la Corée du Nord, qui, tout en garantissant officiellement la liberté de culte, condamne férocement tout prosélytisme religieux.
Il est vrai que les pratiques des groupes évangéliques à la frontière avec la Chine sont plus que discutables. Soutenus financièrement par certaines Églises américaines et sud-coréennes, les missionnaires évangéliques ont créé en Mandchourie des réseaux très organisés permettant aux Nord-Coréens de fuir vers la Corée du Sud. Comme ils ne peuvent eux-mêmes pénétrer en Corée du Nord pour diffuser directement la bonne parole, ils utilisent ces fugitifs souvent fragiles psychologiquement, à qui ils assurent un soutien logistique et financier en échange d’une conversion au christianisme.
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À leur arrivée en Chine, lesdits fugitifs sont entièrement pris en charge par ces réseaux et soumis à un endoctrinement fondé sur l’étude de la Bible à très haute dose. Les plus zélés de ces convertis de fraîche date sont alors renvoyés en Corée du Nord afin d’apporter la parole de Dieu à leurs anciens compatriotes. Au péril de leur vie, bien sûr.
Drôle de jeu
Difficile toutefois d’extrapoler sur les raisons qui ont conduit Matthew Miller à faire ce qu’il a fait. Dans une interview exceptionnelle à la chaîne CNN, il est resté muet sur ses motivations, se contentant de reconnaître son "crime" et de demander aux autorités de son pays d’intervenir directement en sa faveur. C’est d’ailleurs ce qu’espèrent les autorités nord-coréennes.
C’est déjà presque une tradition. En 2009, c’est à la suite de l’intervention de Bill Clinton que les journalistes Euna Lee et Laura Ling furent libérées. Un an plus tard, Jimmy Carter s’envola pour la Corée du Nord et en revint peu après en compagnie d’Aijalon Gomes, un professeur d’anglais condamné à huit ans de travaux forcés. Une façon pour Pyongyang de montrer qui mène le jeu.
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