Xénophobie : marée brune en Europe du Nord

Les élections du 14 septembre en Allemagne et en Suède ont été marquées par une spectaculaire poussée des partis populistes, xénophobes et antieuropéens.

Jimmie Akesson, leader des démocrates de Suède, après son succès électoral. © Andres Wiklund/AP/SIPA

Jimmie Akesson, leader des démocrates de Suède, après son succès électoral. © Andres Wiklund/AP/SIPA

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 25 septembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Alternative pour l’Allemagne (AfD), le parti anti-immigration, qui n’avait obtenu que 4,7 % des voix aux législatives de septembre 2013 puis 7 % aux européennes du printemps dernier, fait son entrée dans les Parlements régionaux de Thuringe, avec 10,6 % des suffrages, et du Brandebourg, avec 12,2 %.

Plus au nord, les très extrémistes Démocrates de Suède (SD) doublent quant à eux leurs résultats antérieurs aux législatives et deviennent le troisième parti du pays avec 12,9 % des voix, score qui chasse les conservateurs du pouvoir et empêche les sociaux-démocrates d’obtenir une majorité absolue.

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En Allemagne, l’AfD a surtout pris des voix à la CDU, profitant de la déception que la ligne centriste d’Angela Merkel (abandon du nucléaire, quotas féminins dans les entreprises, salaire minimum) a suscitée dans les rangs des durs de la démocratie chrétienne. Mais pas seulement. Comme l’a souligné la chancelière, l’AfD "prend des électeurs à tous les partis", y compris à Die Linke, la gauche radicale, et aux néonazis du NPD.

À sa création, en 2012, l’AfD n’était qu’un parti eurosceptique regroupant des chefs d’entreprise comme Hans-Olaf Henkel, l’ancien patron d’IBM Allemagne, et des anciens de la CDU. Il a séduit nombre d’électeurs des Länder de l’Est, exaspérés par les "Polonais voleurs de voitures". Mais aujourd’hui, c’est un peu la pagaille dans ses rangs. L’une de ses vedettes, l’éditeur de presse Alexander Gauland, est un chaud partisan de Vladimir Poutine : il juge "absurdes" les sanctions européennes contre la Russie. Mais l’économiste Bernd Lucke, le patron du parti, condamne l’action de Moscou en Ukraine…

Comme Marine Le Pen, la présidente du Front national français, ils jouent la carte de la respectabilité et abandonnent leurs habituelles provocations verbales.

Le succès des Démocrates de Suède est largement dû aux déclarations du Premier ministre conservateur, qui, en août, a annoncé à ses concitoyens qu’ils allaient devoir se serrer la ceinture pour accueillir davantage de réfugiés étrangers ! Le programme anti-immigration de Jimmie Akesson, le leader des SD, s’en est trouvé légitimé aux yeux de tous ceux qui ne veulent pas d’une telle générosité.

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On notera que leurs succès électoraux s’accompagnent d’une réorientation stratégique des partis populistes. Comme Marine Le Pen, la présidente du Front national français, ils jouent la carte de la respectabilité et abandonnent leurs habituelles provocations verbales. Hormis quelques débordements antimusulmans, qu’il a d’ailleurs sanctionnés, Akesson est parvenu à gommer le passé néonazi de sa formation.

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Il jure désormais vouloir conserver l’État providence à la suédoise ! Très antieuro à ses débuts, l’AfD s’est, de la même façon, muée en parti conservateur, nationaliste et défenseur de la famille. "Notre partenaire naturel, estime Bernd Lucke, n’est pas du tout la CDU. Je m’imagine mieux travailler avec les sociaux-démocrates." National et socialiste ?

"Ni droite ni gauche"

Comme les autres extrêmes droites européennes, SD et AfD profitent de la crise économique et de la montée du chômage, qui exaspèrent les électeurs. Les partis de gauche et de droite qui se succèdent au pouvoir menant à peu près les mêmes politiques – sans grand succès pour l’instant -, ils ont beau jeu de les renvoyer dos à dos. "Ni droite ni gauche", leur maître mot, fait mouche en ces temps de désaveu de la classe politique.

Les contre-feux mis en place par les formations traditionnelles ne brillent pas par leur originalité. Merkel a promis des renforts de police à la frontière polonaise et repoussé avec indignation toute idée d’alliance avec l’AfD. En Suède, tous les partis jurent que jamais ils ne travailleront avec le SD. Même Stefan Löfven, le futur Premier ministre, qui cherche pourtant désespérément à bâtir une coalition, s’y est engagé.

Combien de temps ces résolutions résisteront-elles à la capacité de nuisance électorale des populistes xénophobes et antieuropéens ?

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