Maroc : Songhai à Fès, une présence qui restera dans les annales du Festival des musiques sacrées
Pour un des premiers concerts marquant leurs retrouvailles, dimanche 14 mai, les Espagnols et les Maliens qui composent le collectif Songhai ont célébré la fusion.
Au IXème siècle déjà, Fès accueillait de nombreux andalous et son élite religieuse influençait en retour les esprits de Cordoue ou Séville. De la même manière, quelques siècles plus tard, caravanes et théologiens naviguent entre la cité impériale marocaine et l’actuel Mali, particulièrement la ville de Tombouctou, avant qu’un sultan marocain ne décide d’envahir l’empire Songhaï au XVIème siècle et sa capitale, Gao. Quoi de plus logique, alors, dans le cadre de la 23ème édition du Festival des musiques sacrées, que d’accueillir Songhai sur la scène de Bab Al Makina, petite enceinte médiévale cernée de murailles ?
Songhai n’est pas une formation à proprement parler. C’est un projet, un collectif, ou une suite d’albums. Une fusion, entre la musique mandingue et le flamenco. Flashback : il y a trente ans environ, Toumani Diabaté, 51 ans aujourd’hui et une dizaine d’albums à son actif, fils de griot et virtuose de la kora, rencontrait à Londres le groupe de flamenco andalou Ketama. En 1988, la série de jam sessions londoniennes accouche d’un premier album enregistré en Espagne : Songhai, célébré par la critique.
Six ans plus tard sort Songhai 2. Nouveau succès. La fusion musicale, depuis le premier album, est devenue un style toujours plus répandu, et les artistes méditerranéens – marocains, notamment – y excellent particulièrement. Le lendemain, à Fès, montent sur la même scène le fougueux gitan français Titi Robin et le jeune gnaoui du sud marocain Mehdi Nassouli.
Intense et subtile
Et ce 14 mai, pour un des premiers concerts du troisième volet des aventures de Songhai, ses artistes montrent qu’ils n’ont rien perdu de leur génie combiné et de leur inventivité. L’accord parfait entre les guitares et la kora a de quoi stupéfier. Quand le rythme s’accélère, la subtilité de la mélodie le dispute à la performance pure. Les auditeurs frétillent, sourient et tendent le cou pour tenter de percevoir les gestes précis de Diabaté, au centre de la scène, qui semble immobile derrière son instrument. La musique, exigeante, se montre pourtant accessible. Tout au long du concert, Songhai transporte le public, d’une mélodie douce et entêtante à un flamenco enflammé. Autour de lui, huit artistes, cinq musiciens espagnols et trois chanteurs maliens, dont Moriba, son petit frère. On comprend les anecdotes au sujet d’un concert de Songhai, resté fameux à Bamako, dans les années 1990. En trente ans, Diabaté n’a toujours pas appris l’espagnol et les membres de Ketama ne comprennent toujours que des bribes de français. « Pas de bavardages, ils se parlent en musiciens, avec les instruments à la main », s’amuse le petit frère de Toumani Diabaté.
Le public du festival de Fès est connu pour son calme. Mais les envolées géniales de Songhai sont accueillies avec chaleur sur cette place de Bab Al Makina et font se lever de nombreux spectateurs, dont certains n’étaient pas nés quand Ketama et Diabaté se rencontraient pour la première fois à Londres. Les artistes, dès le lendemain, plient bagages. Quelque part entre Bamako et Madrid, ils prennent un avion pour le sud de l’Espagne. Et se laissent le temps de réfléchir à la question d’un album Songhai 3.
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