Tunisie : la corruption au programme de la nouvelle audience publique de l’Instance vérité et dignité
L’Instance vérité et dignité (IVD) tient le 19 mai une nouvelle audience publique sur la corruption, alors que la polémique ne cesse d’enfler autour du projet de loi dit de « réconciliation économique ».
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Chargée de traiter les préjudices commis sous les régimes de Bourguiba et de Ben Ali (entre le 1er juillet 1955 et le 31 décembre 2013) et de dédommager les victimes, l’IVD se penchera cette fois sur les affaires de corruption financière.
Un sujet épineux dont la pratique est encore dénoncée aujourd’hui, à tous les niveaux de la société. « L’IVD est l’instance la plus corrompue de Tunisie », avait d’ailleurs affirmé Abir Moussi, présidente du parti destourien libre (PDL) le 5 mai sur les ondes de Shems FM. « Il est dangereux d’accuser une instance constitutionnelle d’être impliquée dans des affaires de corruption », à répondu l’IVD par communiqué.
Cette nouvelle audience a lieu en plein débat autour du projet de loi prévoyant l’amnistie des faits de corruption en échange d’un dédommagement. Défendu par le président Béji Caïd Essebsi et déposé en juillet 2015 par la présidence de la République au bureau de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), ce projet a été soumis le 26 avril 2017 à l’examen de la Commission de la législation générale.
2 700 dossiers de corruption
Depuis sa création en décembre 2013 et jusqu’au mois de mai 2017, la Commission d’arbitrage et de réconciliation de l’Instance a reçu 5 619 dossiers, dont 2 700 liés à la corruption financière et administrative (et 2 919 aux droits de l’Homme), a indiqué le 18 mai Khaled Krichi, président de la Commission.
Sur ces 2700 dossiers, 685 ont été déposés à la demande de l’État tunisien, 16 par les auteurs des violations financières et les autres par des victimes, a-t-il ajouté en conférence de presse.
Mais depuis plusieurs mois, le chargé du contentieux de l’État demande systématiquement « le report » de l’examen de plus de 900 dossiers – en majorité liés à la corruption financière, ce qui équivaut à les « geler », a précisé Khaled Krichi à l’AFP, regrettant que « la principale difficulté dans les travaux de la commission, [ce soit] la non-coopération de l’État dans les dossiers liés à la conciliation. »
Un « danger » pour le processus de justice transitionnelle
« Pour toutes ces affaires, l’IVD déclare rencontrer des difficultés liées à l’absence de collaboration de la part des instances étatiques, ce qui a entravé son travail d’arbitrage. Si le projet de loi [sur la réconciliation économique] est adopté, l’IVD serait privée de son mandat d’enquête sur les crimes économiques », a souligné l’ONG Human Rights Watch le 10 mai.
La loi sur la réconciliation économique semble inverser les principes mêmes de la justice transitionnelle
Toujours concernant ce projet de loi, l’organisation ajoute dans un communiqué : « Au lieu de permettre un assainissement des institutions, en identifiant les fonctionnaires corrompus et en les excluant de la fonction publique, [il] procurerait une amnistie sans examen préalable de leurs actes individuels, enracinant ainsi la culture de l’impunité dans l’administration tunisienne. Au lieu d’obliger ceux qui ont contribué à la corruption à rendre des comptes, [il] permet un rachat de leurs fautes au rabais, ouvrant ainsi la voie à une répétition indéfinie de ce même système. »
Dans une tribune publiée le 17 mai dans le journal tunisien La Presse, la présidente controversée de l’IVD, Sihem Ben Sedrine, écrit que « au final, la loi sur la réconciliation économique semble inverser les principes mêmes de la justice transitionnelle » et « met en danger ce processus. »
La dixième séance publique de l’Instance débutera donc ce vendredi soir au complexe de la caisse de prévoyance et de retraite des avocats, et sera retransmise en direct et en « prime-time » sur plusieurs radios et télévisions tunisiennes à partir de 20h30 (heure locale).
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