RDC : l’empreinte du Léopard

En 1962, Francis Monheim, un journaliste belge, publiait aux éditions Actuelles, à Bruxelles, un livre intitulé « Mobutu, l’homme seul ». À l’époque, l’intéressé est depuis deux ans commandant en chef de l’armée congolaise dans un pays en pleine tourmente.

Le président congolais Mobutu Sese Seko, le 22 septembre 1974, à Kinshasa, en compagnie des boxeurs George Foreman et Muhammad Ali. © HORST FAAS/AP/SIPA

Le président congolais Mobutu Sese Seko, le 22 septembre 1974, à Kinshasa, en compagnie des boxeurs George Foreman et Muhammad Ali. © HORST FAAS/AP/SIPA

ProfilAuteur_TshitengeLubabu
  • Tshitenge Lubabu M.K.

    Ancien journaliste à Jeune Afrique, spécialiste de la République démocratique du Congo, de l’Afrique centrale et de l’Histoire africaine, Tshitenge Lubabu écrit régulièrement des Post-scriptum depuis son pays natal.

Publié le 29 mai 2017 Lecture : 3 minutes.

Une affiche représentant le président zaïrois jetée dans les flammes, fin 1996, à Goma. © CHALASANI/SIPA
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Mobutu : la fin d’un monde

Il y a vingt ans, le président du Zaïre était chassé du pouvoir par la rébellion de Laurent-Désiré Kabila, après plus de trois décennies de règne. Retour sur une descente aux enfers qui a durablement marqué l’Afrique contemporaine.

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Trois ans plus tard, en novembre 1965, celui qui s’appelle encore Joseph-Désiré Mobutu, avant de devenir Mobutu Sese Seko Kuku Ngbendu Wa Za Banga en 1972, s’empare du pouvoir et le garde jusqu’à sa chute, en mai 1997.

Vingt ans après, que reste-t-il de lui ? Politiquement, pas grand-chose. Bien sûr, il y a un parti dénommé Union des démocrates mobutistes (Udemo), fondé par son fils François-Joseph Nzanga Mobutu, qui avait rallié Joseph Kabila en 2006. Après son entrée au gouvernement, il fut nommé vice-Premier ministre. Brouillé ensuite avec Kabila, il tenta alors sa chance à la présidentielle controversée de 2011, avant de disparaître des radars.

Son héritage, aujourd’hui, est beaucoup plus culturel que politique.

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Parti lilliputien, l’Udemo ne compte que deux députés à l’Assemblée nationale issue des législatives de 2011. Plusieurs anciens collaborateurs de l’ex-président Mobutu sont au Parlement ou dans certaines institutions du pays. Mais personne, soit par conviction, soit par lâcheté, ne se réclame de lui. D’autres encore, après avoir créé des partis sans influence, ont vite fait de se diluer dans la majorité présidentielle. Une question de survie sûrement.

L’héritage mobutien

Mobutu Sese Seko disparu, peut-on décréter que rien de ce qu’il professait ne lui a survécu ? Ce serait aller vite en besogne. Son héritage, aujourd’hui, est beaucoup plus culturel que politique. Le meilleur exemple est sans doute l’identité officielle des Congolais. Dans le cadre de l’authenticité, fondée notamment sur l’abandon des prénoms chrétiens et la désaliénation mentale, le patronyme est désormais suivi d’un (ou plusieurs) post-nom. En 1990, lorsque la fin du parti unique fut annoncée, beaucoup reprirent leurs prénoms chrétiens, sans abandonner les post-noms. Aujourd’hui, si le prénom est redevenu officiel, le post-nom l’est resté.

L’autre aspect de l’héritage mobutien est sans doute cette vision de grandeur qu’il avait réussi à transmettre à ses compatriotes. Pour lui, le Zaïre n’était pas un pays quelconque mais un géant dont il fallait tenir compte en Afrique et dans le monde. Cet état d’esprit n’a pas changé. Il s’est manifesté à plusieurs reprises chaque fois que des pays voisins, plus petits, traversaient la frontière et venaient imposer leur loi aux Congolais.

L’unité nationale, la cohésion nationale, la conviction d’avoir un destin commun, idées fortes sous Mobutu, sont toujours d’actualité, même si elles semblent parfois menacées par une résurgence du tribalisme et de l’ethnicisation. Cela se remarque surtout au niveau de l’administration territoriale. Sous Mobutu, il ne fallait pas être originaire d’une province pour la diriger.

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Une mémoire sélective

Aujourd’hui, chaque entité est entre les mains des « autochtones ». Les autres Congolais, de plus en plus considérés comme des étrangers dans les provinces dont ils ne sont pas originaires, ont du mal à y trouver un emploi. De plus en plus, on leur demande de rentrer « chez eux ».

Il n’en reste pas moins vrai qu’on ne voit pas de manifestants descendre dans les rues avec des effigies de Mobutu, beaucoup de jeunes ne l’ayant pas connu. Mais ceux qui ont vécu sous son règne ne cachent pas leur nostalgie. Ils affirment souvent qu’à cette époque-là ils mangeaient à leur faim, que leurs salaires n’étaient pas modiques, que les écoles et les universités formaient correctement les élèves et les étudiants.

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Plus étonnant, ils ne remettent jamais en cause la nature autoritaire du régime mobutien. Et puis, ne serait-ce qu’au niveau de Kinshasa, toutes les rues et avenues, dont les noms remontent, pour la plupart, à l’époque de Mobutu, avant d’être rebaptisées par le nouveau pouvoir, sont toujours désignées par la population comme il y a vingt ans ! Pourquoi ? C’est une énigme !

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