Guinée Équatoriale : Zafiro Blues

La Guinée Équatoriale est entrée dans l’ère post-Zafiro, du nom du champ pétrolifère qui a forgé sa croissance. Uniquement porté par le pétrole, l’État n’a pas renforcé les autres secteurs économiques. Le pays doit aujourd’hui se réinventer pour retrouver la croissance.

Malabo la capitale de la Guinée équatoriale. © Ipisking Wiki CC

Malabo la capitale de la Guinée équatoriale. © Ipisking Wiki CC

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  • Georges Dougueli

    Journaliste spécialisé sur l’Afrique subsaharienne, il s’occupe particulièrement de l’Afrique centrale, de l’Union africaine et de la diversité en France. Il se passionne notamment pour les grands reportages et les coulisses de la politique.

Publié le 1 juin 2017 Lecture : 3 minutes.

Vue aérienne du train GNL alimentant l’unité de liquéfaction de la Ecuatorial Guinea-Licuado Natural Gas, à punta Europa. © Renaud VAN DER MEEREN/EditonsduJaguar
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Guinée équatoriale : sans pétrole, des idées ?

Depuis que les cours du brut ont décliné, la Guinée Équatoriale est contrainte de réduire drastiquement ses dépenses et, surtout, de transformer en profondeur son économie.

Sommaire

Pour se hisser sur les hauteurs où elle se trouve, la Guinée équatoriale est partie de très bas. La folle avancée du pays vers l’émergence s’est amorcée en 1995, à 23 milles nautiques de l’île de Bioko, sur le fameux champ pétrolifère de Zafiro, qui s’est mis à dégorger 300 millions de barils par an.

À un rythme effréné, on a construit des routes et des ponts, fait sortir de terre des villes nouvelles

Les décennies glorieuses

Avec lui est monté ce sentiment d’euphorie, inévitable effet secondaire d’un si subit enrichissement, a fortiori dans un pays longtemps frappé d’impécuniosité chronique, vivant jusqu’alors sous la perfusion financière de ses voisins et de l’aide des partenaires au développement, qu’on sait peu enthousiastes à prêter aux pauvres.

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À un rythme effréné, on a construit des routes et des ponts, fait sortir de terre des villes nouvelles, équipé les régions insulaire et continentale de toutes une panoplie d’infrastructures de base. L’augmentation des ressources budgétaires, majoritairement tirées du secteur pétrolier, a transformé le visage du pays. C’est la revanche du Petit Poucet, longtemps dédaigné par tous, y compris par l’Espagne, ex-puissance colonisatrice.

Deux décennies de prospérité exceptionnelle ont fait oublier aux Équato-Guinéens que les fluctuations sont l’un des aléas de la croissance et qu’aux beaux jours peut succéder une période de récession, voire de dépression.

Manque de diversification de l’économie

Le gouvernement n’a pas assez fait pour se prémunir des méfaits d’une conjoncture défavorable et réduire sa dépendance à l’économie de rente. Il aurait dû mettre en place la politique de diversification de son économie bien plus tôt.

D’autant qu’il ne manque pas d’atouts : jusqu’à la découverte du pétrole, l’île de Bioko était une plateforme privilégiée dans les échanges maritimes avec les pays voisins du golfe de Guinée, mais aussi avec l’Europe. Malabo a une carte à jouer dans la concurrence que s’apprêtent à se livrer les ports de la sous-région.

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Dotée de sols riches en matière organique, à forte capacité de rétention en eau, qui conviennent bien à la culture du cacao et du café, la Guinée équatoriale aurait dû mieux préserver le tissu de plantations existant pendant et après la colonisation.

L’État aurait pu favoriser le maintien des ouvriers désertant les exploitations, anticiper les problèmes du système de financement et aider les agriculteurs à mieux résister à la chute des cours mondiaux du cacao, plutôt que d’en reléguer la culture à la marge.

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Potentiel

À l’instar de ce potentiel agricole, le potentiel touristique équato-guinéen reste largement sous-exploité, notamment l’extraordinaire biodiversité de ce pays insulo-continental. L’assouplissement des formalités de visas est fortement attendu et pourrait rehausser les performances du secteur hôtelier.

L’amélioration de la gouvernance aurait pu permettre de mieux gérer ces deux décennies de croissance. Mais une partie des revenus issus de l’exploitation du pétrole et du bois – les deux principaux produits d’exportation – n’a pas été utilisée à bon escient, voire s’est évaporée.

Bon point, Malabo a déposé sa candidature pour rejoindre l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie), acceptant de fait de se conformer à une meilleure gestion de ses ressources naturelles et de débattre de l’utilisation des revenus issus des hydrocarbures et de l’industrie forestière.

La Guinée équatoriale aurait pu, aussi, davantage se rapprocher de ses voisins. Même si, historiquement, ses relations avec le Nigeria, le Gabon, le Cameroun et São Tomé-et-Príncipe ont toujours été compliquées.

Malheureusement, le pays est impliqué dans plusieurs conflits frontaliers, dont celui opposant le Cameroun au Nigeria, auquel elle s’est jointe pour préserver ses intérêts, mais aussi celui des îlots riches en pétrole de Mbanié, Cocotier et Conga, disputés au Gabon.

Ne reste plus qu’à espérer un rebond, dont les jeunes cadres, formés et cosmopolites, seront les initiateurs.

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