Tunisie : ce qu’il faut savoir de l’opération « mains propres » lancée par le gouvernement

L’État est là : c’est le message que veut faire passer le chef du gouvernement, Youssef Chahed, après une première vague d’arrestation dans les milieux supposés mafieux. Objectif : reprendre la main dans un contexte agité.

Youssef Chahed, le chef du gouvernement tunisien, lors d’une conférence le 7 avril 2017. © Hassene Dridi/AP/SIPA

Youssef Chahed, le chef du gouvernement tunisien, lors d’une conférence le 7 avril 2017. © Hassene Dridi/AP/SIPA

Publié le 24 mai 2017 Lecture : 2 minutes.

Le 26 mai 2017, lors d’une manifestation de soutien au Premier ministre tunisien, Youssef Chahed, à Tunis. © Riadh Dridi/AP/SIPA
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Corruption en Tunisie : l’opération « mains propres » de Youssef Chahed

Lancée en mai dernier, la vaste opération anticorruption lancée par le chef du gouvernement tunisien Youssef Chahed a débouché sur plusieurs arrestations de personnalités issues du monde politique, des médias ou du secteur des affaires.

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Youssef Chahed avait annoncé lors de son investiture à la primature qu’il ferait de la lutte contre la corruption et la contrebande une priorité. Neuf mois plus tard, lundi 22 mai, il est (enfin) passé à l’action en lançant un important coup de filet contre les barons de l’informel. En moins d’une demie journée quatre gros poissons présumés ont été arrêtés.

Chafik Jarraya, Néjib Ben Ismail, Ridha Ayari et Yassine Chennoufi arrêtés

À commencer par le sulfureux Chafik Jarraya, homme d’affaires qui doit son surnom de « Monsieur banane » au contrôle qu’il avait de ce marché du temps de Ben Ali. Depuis la chute de l’ancien régime, il avait pris de l’envergure et était devenu un homme d’influence suspecté de manipuler et de financer des partis politiques – dont Nidaa Tounes, vainqueur des législatives de 2014 -, et des médias.

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Sûr de lui, il avait revendiqué sur plusieurs plateaux de télévision avoir les journalistes à sa botte ainsi que certains parlementaires. Mais il s’est surtout distingué en affichant depuis 2011 une indéfectible amitié avec le Libyen Abdelhakim Belhaj, un ancien d’Al-Qaïda, chef des milices islamistes de Fajr Libya.

Cette vague d’arrestations n’est que la première et un tsunami risque de s’abattre sur l’économie parallèle dans les jours qui viennent

Deux jours avant son arrestation pour atteinte à la sûreté de l’État, Chafik Jerraya assistait à Genève à une réunion des principales factions du conflit libyen sans y jouer officiellement de rôle précis.

Dans la foulée, Néjib Ben Ismail, « Monsieur fruits secs », bien connu des circuits informels et notamment de ceux de la plaque tournante d’El Jem, a été mis aux arrêts ainsi que le colonel de la douane Ridha Ayari et Yassine Chennoufi, ancien douanier connu pour s’être présenté à la présidence de la République en 2014.

Opération montée dans le plus grand secret

Ces prises importantes interviennent au moment des troubles sociaux importants agitent le sud tunisien, proche de la frontière libyenne, et opposent les populations locales aux forces de l’ordre. Ces dernières ont d’ailleurs dénoncé les collusions entre le milieu des affaires, les chefs de la contrebande avec des complicités en Libye et certains partis politiques qui soutiendraient et financeraient les mouvements protestataires.

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Toutes ces opérations coup de poing ont été montées dans le plus grand secret avec l’appui d’un groupe composé de représentants de toutes les forces de l’ordre qui dépend du Conseil de sécurité nationale. Selon des sources proches du dossier, cette vague d’arrestations n’est que la première et un tsunami risque de s’abattre sur l’économie parallèle dans les jours qui viennent.

Couper la tête des réseaux mafieux qui verseraient également dans le financement du terrorisme mettra à mal les circuits de l’économie parallèle qui représente 60 % du PIB, selon les estimations. Une nécessité, d’autant que Chawki Tabib, président de l’Instance de lutte contre la corruption, dénonçait lui même le péril de l’installation d’un État mafieux en Tunisie. Les récentes arrestations constituent donc un bon point pour la crédibilité du chef du gouvernement, Youssef Chahed auquel les Tunisiens réclament de longue date de rétablir l’autorité de l’Etat.

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