Zimbabwe : Dis-Grace & Bob-la-rallonge… Mugabe(s) forever ?

Jusqu’où ira la tentation oligarchique au sommet de l’État zimbabwéen ? Alors que Robert Mugabe, qui multiplie les mandats à rallonge, montre de plus en plus de signes de faiblesse, sa « First shopper » de femme, Grace, pourrait bien vouloir s’offrir une élection à la magistrature suprême pour lui succéder…

Les Mugabe confondent-ils le Zimbabwe avec une propriété privée ? © Glez/J.A.

Les Mugabe confondent-ils le Zimbabwe avec une propriété privée ? © Glez/J.A.

Publié le 18 septembre 2014 Lecture : 4 minutes.

Ne parlez pas de succession à Robert Mugabe. À peine réélu à la dernière élection présidentielle, le plus vieux chef d’État africain prévenait : il sera candidat au scrutin de 2018. Il aura alors fêté son 94e anniversaire et sera dans les starting-blocks d’un mandat qui le conduirait à l’âge de 99 ans. Mais si le pourfendeur de l’Occident – qui défend ces jours-ci Vladimir Poutine – est célèbre pour son esprit de contradiction, pourquoi ne se contredirait-il pas lui-même ? Et pourquoi n’envisagerait-il pas le vilain tour que sa santé pourrait lui jouer ?

Dans l’éventualité d’une disparition ou d’une invalidité, le vieux Bob ne peut qu’espérer mettre sa famille à l’abri. Et quoi de mieux que d’en placer un membre sur le fauteuil présidentiel ? Et qui lui est proche, sinon celle qui partage sa couche ? Si l’âge est l’épine dans le pied du pouvoir Mugabe, Grace a l’avantage d’être de 41 ans la cadette de Robert…

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>> Lire aussi : Les papys font de la résistance, par Glez

Depuis quelques semaines, le parcours de la seconde épouse du président zimbabwéen esquisse des velléités de prolongation de l’œuvre de son mari. Politiquement, Grace Mugabe est candidate au poste de présidente de la ligue des femmes du Zanu-PF, le parti au pouvoir ; une position qui lui permettrait de siéger au bureau politique de la formation. Il n’en fallait pas plus pour les médias dissèquent l’emploi du temps de la seconde first lady et interprètent chacun de ses actes sous le prisme de la conquête du pouvoir. Ainsi, le récent soutien des chefs coutumiers -à travers une "grâce" à Grace du président du Conseil des chefs traditionnels, Fortune Charumbira – apparaît comme une allégeance aux projets politiques supposés de madame Mugabe.

Bagage intellectuel

Avec un piston politique et une bénédiction coutumière, que pourrait-il manquer à l’apprenti politicienne, sinon l’attestation d’un bagage intellectuel ? Si la presque quinquagénaire n’est jeune qu’en comparaison avec son époux nonagénaire, elle a fait acte juvénile en (re)prenant ses études. Le 12 septembre dernier, l’ancienne secrétaire du bureau présidentiel recevait, de l’Université de Harare, son diplôme de docteur en philosophie. Un de ces diplômes "honoris causa" que les plus flatteurs bradent aux potentiels mécènes ? Que nenni ! Un "authentique" parchemin au milieu d’une promotion de 3 274 étudiants. Doctorat obtenu, il est vrai, à l’issue d’une scolarité à la rapidité déconcertante…

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Aux plus perplexes, les aficionados du couple présidentiel argumentent que de nombreux chefs d’État entraînent leur moitié dans leur sillage, comme Jacob Zuma propulsa Nkosazana, comme Bill Clinton soutint Hillary ou comme Barack Obama mit en lumière Michelle. Ils évitent de citer Laurent et Simone Gbagbo, exemple qui démontre que le tissage du politique et du conjugal peut entraîner vers le précipice de l’histoire.

Après la loi d’expropriation des fermiers blancs, elle fit l’acquisition du fameux domaine baptisé "Graceland" où elle résida à peine.

Si les observateurs écarquillent leurs yeux à mesure que Grace Mugabe esquisse ses pas en politique, c’est que celle-ci a rarement témoigné, jusque-là, d’un goût pour les questions géopolitiques ou d’une préoccupation pour un peuple au pouvoir d’achat exsangue. Grace Mugabe née Marufu, épouse du veuf Robert depuis 1996, est surtout connue pour ses dépenses compulsives. La première dame est surnommée "the First shopper", "Disgrace" ou "Gucci Grace", en raison de ses goûts bling-bling, s’excusant d’avoir des "pieds très fins" qui ne "supportent que les Ferragamo".

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12 000 invités pour son mariage avec Bob

La reine des emplettes fut souvent localisée à Hong Kong ou à Paris, destination parisienne ralliée grâce à l’affrètement d’un avion de la compagnie nationale zimbabwéenne. Après la loi d’expropriation des fermiers blancs, elle fit l’acquisition du fameux domaine baptisé "Graceland" où elle résida à peine. À son mariage avec Robert, elle établit une liste de 12 000 invités. Après avoir tenté de faire croire qu’elle fabriquait elle-même ses vêtements présentés comme hors de prix, elle finit par lancer, un jour : "est-ce un crime que de faire du shopping ?". Ça pourrait l’être, si l’on en croit une note diplomatique de l’ambassadeur américain James McGee, révélée en 2010 par WikiLeaks, note qui accusait Grace Mugabe d’avoir gagné plusieurs millions de dollars en revendant illégalement des diamants extraits de la mine de Marange. Millions de dollars pour millions de dollars, la "mère de la nation" en réclama 15 de dommages et intérêts au Standard, le journal local qui s’était fait l’écho de ces révélations.

En supposant que Robert Mugabe finisse un mandat obtenu en 2018, Grace pourrait s’installer à sa place à l’âge de 58 ans. En supposant qu’elle ait la même santé que son époux, elle pourrait rester au pouvoir jusqu’en 2064. Le régime Mugabe pourrait ne s’achever qu’après 77 ans. À condition qu’un des enfants de Bob et Grace ne prenne pas le relais…

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Par Damien Glez

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