Tribune : régulons le métier de banquier d’affaires !
Fondateur d’Africa Link Capital, Serge Diop explique dans cette tribune pourquoi il est important de réguler la profession de banquier d’affaire.
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Serge Diop
Serge Diop est le fondateur d’Africa Link Capital, l’une des plus anciennes banques d’affaires de l’Afrique de l’Ouest.
Publié le 9 juin 2017 Lecture : 3 minutes.
Avec le retour d’une croissance rapide et la stabilisation politique, Abidjan a retrouvé son rôle de plateforme financière de l’Afrique de l’Ouest. Les investisseurs qui s’étaient détournés vers Dakar, Accra ou Lagos ont recommencé à financer des projets d’envergure dans le pays. Les signaux sont au vert : à travers le Plan national de développement (PND), l’État ivoirien a fixé des objectifs ambitieux, notamment en matière de construction d’infrastructures et de dynamisation du secteur privé.
En créant une cellule consacrée à la gestion des projets public-privé (PPP), le président de la République a envoyé un signal fort. Tous les grands projets ont bénéficié de cette technique de structuration, de la réalisation du pont Henri-Konan-Bédié (HKB) à la construction de l’autoroute Abidjan-Yamoussoukro en passant par la centrale Ciprel IV. Ces projets nécessitent des sommes importantes, mais, surtout, ils requièrent une grande technicité pour les structurer, sur le plan stratégique et financier.
Pour la centrale Ciprel IV, estimée à 225 milliards de F CFA (343 millions d’euros), il aura ainsi fallu la collaboration de neuf acteurs pour parvenir à structurer le financement : trois institutions financières internationales (IFC, la Banque africaine de développement et Proparco), trois banques locales (Orabank, SIB et NSIA Bank) et, enfin, les actionnaires et bailleurs de Ciprel (Eranove, l’État de Côte d’Ivoire et la Banque ouest-africaine de développement).
Rôle accru des banques d’affaires
C’est notamment parce que ce genre de projet est amené à se multiplier que le rôle des banques d’affaires devient crucial. Plus le marché est attractif, plus il attire des acteurs qui confondent le métier de banquier d’affaires avec celui de courtier, voire d’apporteur d’affaires. Par la nature de son métier, le banquier d’affaires est le garant de la bonne conduite des transactions.
L’expertise financière et stratégique permet d’accompagner le client et de décrypter un environnement complexe. L’intervention du banquier d’affaires réduit le risque d’un projet ou d’une transaction. Il sécurise et accompagne, fait le lien entre les États et les entreprises en toute indépendance. Ce rôle essentiel exige une professionnalisation du secteur. Il faut élever le niveau !
C’est pourquoi il est regrettable que ce métier ne soit pas encore régulé de façon indépendante et neutre, contrairement aux autres métiers liés aux transactions financières – avocats d’affaires régulés par le barreau, ou acteurs des marchés financiers par le gendarme de la Bourse… Le bon développement du secteur de la banque d’affaires nécessite la mise en place d’une autorité de régulation autonome, faute de quoi des transactions mal ficelées peuvent finir en désastres financiers.
« L’éthique joue une part essentielle »
Cette régulation est d’autant plus urgente que les besoins de financement colossaux auxquels font face les différents projets en cours appellent une sophistication des métiers et l’émergence d’outils de pointe, comme la titrisation. C’est clairement le type d’outil complexe à ne pas mettre entre toutes les mains.
La banque d’affaires est un métier fondé sur une expertise stratégique et financière, où l’éthique joue une part essentielle. Il existe désormais une réelle compétence d’acteurs locaux, mais le risque est de les voir étouffés par la concurrence déloyale de simples apporteurs d’affaires.
À l’heure où l’Afrique de l’Ouest accueille de plus en plus d’investissements, c’est en créant des règles du jeu équitables et une exigence de bonnes pratiques que nous parviendrons à financer des grands projets, mais aussi à créer des champions nationaux, puis régionaux. L’encadrement du métier de banquier d’affaires est une condition essentielle pour enclencher la montée en gamme du capitalisme africain.
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