États-Unis : Obama contre le Califat

Pour annihiler les jihadistes de l’État islamique, en Irak comme en Syrie, le président américain, Barack Obama, doit s’appuyer sur une large coalition internationale. Pas évident, car les intérêts des uns et des autres ne concordent pas toujours…

Obama au téléphone avec le roi Abdallah d’Arabie saoudite, le 10 septembre. © Charles Dharapak/AFP

Obama au téléphone avec le roi Abdallah d’Arabie saoudite, le 10 septembre. © Charles Dharapak/AFP

Publié le 18 septembre 2014 Lecture : 4 minutes.

On a aujourd’hui du mal à y croire, mais l’année dernière à la même période, Barack Obama expliquait aux Américains qu’il fallait punir la Syrie, coupable d’avoir franchi une "ligne rouge" en ayant recours à des armes chimiques contre ses adversaires. Depuis, la situation s’est complètement retournée, comme cela arrive souvent au Moyen-Orient. Le 10 septembre, Obama a dévoilé son plan pour "affronter, affaiblir puis vaincre" l’État islamique (EI), le plus mortel ennemi du régime syrien, mais aussi irakien.

La très rapide détérioration de la situation régionale a pris tout le monde de court. Le mois dernier, le président américain avait admis qu’il n’avait pas encore arrêté de stratégie pour contenir l’EI, et encore moins pour le défaire. Un aveu coûteux pour Obama, qui doit désormais convaincre les alliés de l’Amérique, notamment au Moyen-Orient, qu’il dispose d’un plan de bataille allant bien au-delà d’une simple réaction à chaud.

la suite après cette publicité

Son premier objectif doit être de rassembler les alliés régionaux de l’Amérique. On a beaucoup parlé du déclin de la puissance américaine, notamment au Moyen-Orient où Washington n’est plus en mesure d’exercer un rôle hégé­monique. Ce point de vue est excessif. Il n’empêche : l’action de Barack Obama ne sera efficace que s’il ne fait pas cavalier seul et prend la tête d’une coalition.

Son implication dans la formation d’un nouveau gouvernement irakien sous la houlette de Haïdar al-Abadi constitue un premier pas dans ce sens ; le succès de son secrétaire d’État John Kerry à rallier dix États arabes à Jeddah, le 11 septembre, en est un autre. Il doit absolument maintenir la pression sur Bagdad pour que des sunnites modérés soient inclus dans ce gouvernement.

Sans leur soutien, il sera impossible de contenir l’offensive meurtrière de l’EI. Cela implique de neutraliser les milices chiites. Cela suppose aussi de ne pas s’en tenir à l’habituel système de répartition des postes entre les différentes composantes religieuses ou ethniques du pays, mais de constituer un gouvernement dans lequel toutes ces composantes auront un poids réel, car les discriminations dont sont victimes les sunnites en Irak ont fait le lit de l’État islamique.

En Syrie, la tâche sera encore plus ardue. Près de 200 000 Syriens ont été tués ces trois dernières années, et l’EI a tiré un très grand parti de la brutalité du régime Assad. Obama doit trouver le moyen de renforcer l’opposition modérée à Damas sans que cela profite à l’EI. Mais il doit aussi frapper l’EI qui évolue librement d’un côté à l’autre de la frontière syro-irakienne sans que Damas puisse en tirer avantage. Un défi dont la complexité donne le vertige.

la suite après cette publicité

Là aussi, rien ne pourra être gagné sans soutien régional. Il faut convaincre l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et surtout le Qatar de tarir les sources de financement et d’armement de l’EI et de ses affidés, voire les y contraindre. Washington devrait aussi faire tout son possible pour établir un niveau de coopération minimum entre l’Iran et les États du Golfe – une gageure vu leur degré de défiance mutuelle. Car l’EI est la manifestation la plus barbare d’un conflit régional sanglant opposant sunnites et chiites, dont les États du Golfe et l’Iran sont respectivement les grands parrains.

Enfin, Barack Obama doit éviter d’accroître les effectifs américains dans la région. Attirer les États-Unis dans une nouvelle guerre au sol est précisément ce que cherche l’EI. C’est aussi ce que nombre des détracteurs du président les plus va-t-en-guerre le pressent de faire. L’opinion américaine a elle aussi viré de bord. L’an dernier à la même époque, près des deux tiers des Américains s’opposaient à des frappes aériennes en Syrie.

la suite après cette publicité


Convoi de combattants de l’État islamique, dans la région d’Anbar, en Irak. © AP/Sipa

Aujourd’hui la même proportion y est favorable. Comme il l’a indiqué dans son allocution du 10 septembre, Obama va poursuivre sa campagne de frappes aériennes en Irak et l’étendre à la Syrie. Il devrait aussi passer à la vitesse supérieure dans les domaines de la formation, du renseignement et de la livraison d’armes à des troupes fiables, comme l’armée irakienne et des groupes de rebelles modérés en Syrie. Il doit cependant éviter les solutions expéditives, car la campagne contre l’EI fait partie d’un combat à long terme destiné à vaincre le cancer des haines confessionnelles au Moyen-Orient.

Bien des fois les États-Unis ont été contraints d’intervenir dans cette région pour y faire le ménage, alors qu’ils n’étaient pas toujours à l’origine de ses difficultés. L’EI est un monstre de Frankenstein aux multiples géniteurs. Aussi subtile que soit la stratégie d’Obama, elle ne tirera sa force que de l’alliance qui l’appuiera. L’objectif d’Obama est clair : seuls les États-Unis peuvent mener la lutte en première ligne. Mais ils doivent convaincre d’autres nations de se battre à leurs côtés.

Au Maghreb, nuances et prudence

Si le Secrétaire général de la Ligue arabe a appelé, lors de la réunion du Caire, le 7 septembre, à faire face "politiquement et militairement" à la menace de l’État islamique, le texte final ne fait pas explicitement allusion à la force armée. Des réticences nord-africaines seraient-elles à l’origine de cette retenue ?

En Tunisie, en Algérie et au Maroc, aucune position officielle n’avait été dévoilée à l’heure où nous mettions sous presse. À Tunis, l’ambiance préélectorale dicte la prudence et les responsables politiques ne veulent pas mécontenter les bailleurs de fonds favorables (comme la France) ou opposés (comme la Russie) à une intervention.

Alger devrait rester fidèle à son refus de toute intervention étrangère. Et le porte-parole du gouvernement marocain indiquait le 11 septembre que Rabat "insiste sur la préservation de l’intégrité territoriale de l’Irak", ajoutant que "la question de la nature de la composition de la coalition internationale n’a pas été soulevée par le gouvernement".

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires