Maroc : les rifains ne refusent pas le dialogue avec les institutions
Les événements qui secouent actuellement la province d’El Hoceima sont le résultat d’un malaise social qui n’a cessé de s’amplifier en raison de la mauvaise approche des autorités dans la gestion de cette région.
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Ayad Zaroual
Ayad Zaroual est militant associatif et chercheur au LISST de l’Université de Toulouse. Il a accompagné sur le terrain divers programmes internationaux au Maroc et en France sur la participation citoyenne.
Publié le 1 juin 2017 Lecture : 2 minutes.
Dans le cadre d’un projet de la Délégation européenne à Rabat, je suis sur le terrain du Rif depuis février dernier. J’ai beaucoup discuté avec les associations locales, les militants du mouvement (Hirak) mais aussi avec les « foules ordinaires ». Et j’ai vu la colère montante des commerçants, des étudiants, des ménagères laissés à un « destin aveugle », au désœuvrement, à l’insécurité et aux aléas de la migration internationale. Mon expérience de terrain depuis trois mois m’amène à cette certitude : les gens sont souvent victimes de léthargie mais ils restent debout, et ils ne refusent pas le dialogue, ils veulent comprendre pourquoi des projets programmés sont bloqués et ne sont pas mis en œuvre depuis leur lancement en 2013-2014. Comme ceux du Musée du Rif, de la Maison des associations pour les droits de l’homme financée par la Commission européenne, du tronçon routier Taza – El Hoceima…
Où sont passés les promesses ?
Par ailleurs, les sommes conséquentes débloquées pour la région n’ont pas été mobilisées pour la situation sociale. Les deux tiers des projets (soit 6,5 milliard de DH) proviennent du programme « El Hoceima, phare de la Méditerranée » annoncé en 2015. Les 3,4 milliards de DH débloqués jusque là se répartissent ainsi entre programme de lutte contre les inégalités territoriales, la construction de barrage Ghiss et le renforcement de l’infrastructure routière.
Les rifains demandent et veulent des projets palpables, transparents et faisables, qui soient co-construits et qui impliquent des populations de quartiers et le savoir de la société civile dans la gestion du territoire (développement urbain durable) et du risque (catastrophe naturelle). Ils veulent qu’on entende leur colère et leurs doléances. Je n’ai à aucun moment entendu un refus de dialogue avec les institutions.
Les élites de rabat doivent descendre dans le Rif et arrêter de le gérer à distance
La région du Rif souffre de plaies réelles liées en particulier aux effets néfastes de l’enclavement, de la rente, du découpage administratif et de l’économie frontalière. Les élites de Rabat devraient descendre un peu plus dans ces régions d’El Hoceima et de Nador et arrêter de les gérer à distance. Elles doivent vivre dans ces villes « en marge » pour s’apercevoir de la léthargie des populations. Peu de cadres ambitionnent de faire carrière dans les hôpitaux ou les écoles de cette région, et beaucoup de personnel extérieur y est affecté mais il présente souvent le « syndrome de l’agent fantôme ». Il y a un problème d’autoritarisme, mais aussi de gouvernance politique partagé par tous les acteurs de l’État aux élus locaux en passant par la société civile.
Manque de structures d’intermédiation
Ces acteurs ne savent pas comment coopérer et dialoguer. L’intermédiation est un savoir qu’il faut cultiver dans un pays ouvert sur l’application de la démocratie participative. Il y a un besoin réel d’amélioration des capacités des élus, des institutions publiques et de la société civile afin de les pousser à dialoguer et à porter des projets co-construits et participatifs.
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