Argentine : des narcos à la Casa Rosada

Pourquoi des trafiquants de drogue appelaient-ils périodiquement au téléphone le siège de la présidence argentine ? La police a mis en évidence des complicités au plus au niveau dans un vaste trafic d’éphédrine.

José Granero, ancien patron de la lutte antidrogue, en 2004. © HUGO VILLALOBOS / AFP

José Granero, ancien patron de la lutte antidrogue, en 2004. © HUGO VILLALOBOS / AFP

Publié le 19 septembre 2014 Lecture : 2 minutes.

Des narcotrafiquants appelant leurs amis à la Casa Rosada, siège du gouvernement ? La scène paraît irréelle. Elle a pourtant eu lieu. Et à plusieurs reprises. C’est ce que la juge María Servini de Cubría a révélé début septembre.

Plusieurs postes étaient périodiquement appelés par les narcos, dont ceux du secrétariat pour la Prévention de l’addiction à la drogue et la lutte contre le narco­trafic (Sedronar) – un comble ! -, ainsi que le secrétariat privé de la présidence.

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La juge Servini a demandé avec insistance à la présidente Cristina Kirchner d’aider la police à identifier les fautifs. "Le narcotrafic doit disposer de sérieux soutiens au sein du gouvernement, sinon ils auraient déjà été identifiés", estime la magistrate. Pour le gouvernement, l’affaire est d’autant plus embarrassante qu’elle n’est pas la première du genre.

En août 2008, un triple crime à General Rodríguez, ville de la province de Buenos Aires, avait permis de découvrir un important trafic d’éphédrine, substance chimique utilisée dans la fabrication de drogues synthétiques. Trois chefs d’entreprises pharmaceutiques, Sebastián Forza, Damián Ferrón et Leopoldo Bina, avaient été assassinés par une bande de narcos qui leur disputait la distribution de l’éphédrine à Mexico.

L’importation de cette substance en Argentine étant d’une grande facilité, des filières d’exportation clandestine vers le Mexique ou la Colombie avaient en effet été mises en place. L’enquête policière avait permis de découvrir que l’une des victimes et l’un des criminels avaient l’un et l’autre versé des fonds au Front pour la victoire (FPV), coalition de centre gauche qui soutenait la candidature de Cristina Kirchner lors de la présidentielle de 2007.

Trois ans plus tard, second coup de théâtre : José Granero, secrétaire du Sedronar, démissionne. Son attitude tranche avec celle du vice-président Amado Boudou, qui, poursuivi pour corruption, continue d’exercer ses fonctions. "Granero a choisi de se retirer pour éviter de compromettre la présidente", estiment plusieurs sources.

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Le montant du trafic : 500 millions de dollars

Au mois d’août, la juge Servini a pourtant ouvert une enquête à son sujet – et à celui de Gabriel Abboud, son sous-secrétaire d’État. Entre 1999 et 2010, quelque 56 000 kg d’éphédrine ont été importés en Argentine, alors que les besoins de l’industrie pharmaceutique ne dépassaient pas 156 kg par an.

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La magistrate a constaté que les appels téléphoniques des narcos coïncidaient avec les dates d’arrivée des dossiers d’autorisation pour l’importation (légale) d’éphédrine. À en croire le journaliste Horacio Verbitsky, le montant du trafic avoisinerait 500 millions de dollars (387,7 millions d’euros).

Sous la pression médiatique et judiciaire, Oscar Parrilli, le secrétaire général de la présidence, a assuré la juge de la pleine collaboration des autorités.

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