Vers un trou noir en Afrique centrale ?
Les alarmes ne cessent de sonner en ce qui concerne le Cameroun, la RD Congo et le Tchad.
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Didier Niewiadowski
Didier Niewiadowski est un Juriste français. Il a été en service durant 38 ans au ministère de la Coopération et à celui des Affaires étrangères.
Publié le 31 mai 2017 Lecture : 3 minutes.
Faute d’une véritable prise en compte des ressorts de la crise centrafricaine, l’ancien Oubangui-Chari est devenu un État-croupion, ce que craignait Barthélémy Boganda, le père de la nation centrafricaine. Le Soudan du Sud, créé en contrevenant au principe de l’intangibilité des frontières cher à l’Union africaine, l’État fédéral est en mille morceaux et en guerre civile. La RDC ne répond plus, depuis longtemps, à la définition classique d’un État : « personnalité morale de droit public, contrôlant un territoire bien identifié par des frontières, organisant un ordre social, juridique et politique pour un groupement humain relativement homogène mais attaché à un vouloir-vivre collectif et représenté par une autorité à qui a été confié le pouvoir de contrainte ».
Une zone de non droit en création
Cet ensemble au cœur de l’Afrique, à la jonction du Sahel arabo-musulman et des espaces animistes et chrétiens de la forêt équatoriale, représente 5 700 000 de km2 soit neuf fois la superficie de la France et près de 143 millions d’habitants. Ces six pays, dont cinq francophones, deviennent inexorablement une zone de non droit avec des clans présidentiels se perpétuant au pouvoir, enjambant les élections en toute quiétude, et laissant leur population aux bons soins des ONG humanitaires et des religieux qui ne visent pas que l’au-delà. Ce désastre annoncé peut-il encore être évité ? Sans un ressaisissement des institutions de Brettons Wood, de l’ONU et des partenaires qui comptent, les bandes armées non contrôlées se réclamant plus ou moins du djihadisme et les trafiquants transnationaux s’installeront durablement dans cette région.
Le pire n’est jamais certain
La division par deux du prix du baril de pétrole conjuguée à la chute des exportations constitue un accélérateur de la crise économique, sociale et politique au Tchad, désormais en cessation de paiements, au Congo, qui ne se relève pas de la énième réélection de son président, au Soudan du sud, en guerre fratricide, et, dans une moindre mesure, au Cameroun, qui voit la résurgence de la question anglophone et qui doit faire face aux turbulences de l’Extrême-nord. Cette situation pourrait être mise à profit pour réduire la dépendance vis-à-vis de cette rente liée à l’économie mondiale pour donner la priorité au développement rural et notamment à l’agriculture. Le profit pourrait se développer au détriment de la rente. Il en est de même pour les États miniers que sont la Centrafrique et la RDC où « les diamants du sang » alimentent la multitude de rébellions auxquelles on aurait infiniment tort de donner une qualification religieuse. Il serait temps de mettre fin aux trafics illicites qui aboutissent à Dubaï et à Anvers, ville située à 150 km de Bruxelles, siège de l’Union européenne.
Les élections dans cette zone sont souvent des mirages de démocratie
La coexistence pacifique et harmonieuse entre le pouvoir et la liberté doit être rétablie. Comment peut-on encore accepter les manipulations constitutionnelles et les « hold up » électoraux ? Les élections dans cette zone sont souvent des mirages de démocratie. Le casting des présidents, élus au suffrage universel direct, est éloquent : Paul Biya ( 84 ans) est président du Cameroun depuis 1982, Denis Sassou-Nguesso (75 ans) président du Congo depuis 1979 (avec une interruption de 1992 à 1997), Idriss Deby Itno ( 65 ans) président du Tchad depuis 1990, la Camarilla autour du président centrafricain, Faustin Archange Touadera (60 ans), est à la « mangeoire » depuis une vingtaine d’années. Le clan Kabila, en RDC, règne sans partage depuis le renversement de Mobutu (1997).
La montée en puissance d’une jeunesse mondialisée, avide du changement, ne sera-t-elle pas trop tardive ? Dans quelles conditions ces chefs d’État vont-ils passer la main ? À part Joseph Kabila, ces présidents sont nés avant l’indépendance de leur pays alors que plus de la moitié de la population a moins de 18 ans. Un nouveau paradigme fondé sur une véritable décentralisation, un régime plus parlementaire que présidentiel avec l’abandon de l’élection du président de la République au suffrage universel direct, l’éloignement de la scène politique des fossoyeurs de l’État de droit par l’indignité nationale, la création d’une organisation pour l’harmonisation du droit pénal et de la procédure pénale sur le modèle de l’OHADA pour les membres de l’OIF, pourraient utilement revitaliser ces États. Sans la pression internationale et une plus forte conditionnalité de l’aide ces réformes sont évidemment illusoires.
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