Algérie : Abdelaziz Bouteflika dit non aux généraux
Témoin privilégié de près d’un demi-siècle d’histoire, Rachid Benyelles révèle dans ses Mémoires les secrets et les dessous d’événements clés qui ont façonné le destin du pays.
Algérie : quand le général Rachid Benyelles raconte le pouvoir
Témoin privilégié de près d’un demi-siècle d’histoire, Rachid Benyelles révèle dans ses Mémoires les secrets et les dessous d’événements clés qui ont façonné le destin du pays.
Les militaires avaient barré la route du pouvoir à Bouteflika en 1978, ils la lui entrouvrent seize ans plus tard. Janvier 1994. Les décideurs cherchent un candidat pour la présidence de la République à l’approche de la fin du mandat du Haut Comité d’État (HCE), mis en place en 1992.
Ils se tournent vers Abdelaziz Bouteflika, l’ex-chef de la diplomatie sous Boumédiène. Le 16 janvier, première rencontre entre ce dernier et Khaled Nezzar, le patron de l’armée. Le général propose à son invité de faire partie d’un triumvirat chargé de diriger les affaires du pays. Bouteflika décline l’offre en expliquant que les clés d’El-Mouradia doivent être confiées à un seul homme.
Trois conditions
Nezzar consulte ses pairs et revient avec un accord franc et massif. Le prétendant demande un délai de réflexion. Il consulte ses amis, ses proches et ses connaissances avant d’accepter la proposition. Mais en posant trois conditions : être investi par le Haut Conseil de sécurité (HCS), avoir les pleins pouvoirs sur les forces armées et s’adresser au préalable au commandement militaire.
Au siège du ministère de la Défense, Bouteflika expose sa vision du pouvoir et ses projets. Applaudissements. Pendant ce temps, les civils se réunissent au Club des pins dans le cadre de la conférence du dialogue national qui doit justement désigner le futur président. Quand ils apprennent que les militaires ont déjà négocié avec Bouteflika, ils se braquent. Un compromis est trouvé.
Le candidat de l’armée fera acte de présence à la conférence mais tiendra son mandat du HCS. Liamine Zéroual, ministre de la Défense, est chargé de transmettre les termes du modus vivendi à Bouteflika. Lequel refuse le deal au motif qu’une de ses trois conditions n’est pas satisfaite. Consternation chez les généraux. Zéroual revient à la charge, accompagné de Chérif Belkacem, un vieil ami de Bouteflika, pour tenter de le raisonner. Tiré de son sommeil, celui-ci explique que sa décision est irrévocable. Au petit matin, il est de nouveau réveillé, cette fois par un émissaire, qui le conduira à la villa Aziza, sur les hauteurs de la capitale.
La rupture est consommée
Sur place, dans une atmosphère enfumée, Khaled Nezzar, les généraux Mohamed Médiene, patron des services secrets, et Mohamed Lamari, chef d’état-major, attendent des explications. La discussion est houleuse. Ils accusent Bouteflika de lâchage, lui leur reproche d’avoir donné un coup de canif dans leur contrat. La rupture est consommée. Le lendemain, Bouteflika s’envole vers Genève pour un rendez-vous médical. Zéroual devient président au débotté.
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