Présidentielle au Rwanda : marche arrière de la commission électorale sur le contrôle des réseaux sociaux

La commission électorale rwandaise a renoncé jeudi 1er juin à contrôler le contenu des messages diffusés sur les réseaux sociaux durant la campagne présidentielle. Une mesure qu’elle avait annoncé quelques jours plus tôt, sur fonds de polémique.

Paul Kagame, le président rwandais, à l’ouverture de la cérémonie du 26e sommet de l’Union africaine à Addis Abeba, en Éthiopie, le 30 janvier 2016. © Mulugeta Ayene/AP/SIPA

Paul Kagame, le président rwandais, à l’ouverture de la cérémonie du 26e sommet de l’Union africaine à Addis Abeba, en Éthiopie, le 30 janvier 2016. © Mulugeta Ayene/AP/SIPA

Publié le 2 juin 2017 Lecture : 3 minutes.

Annoncée le 29 mai et annulée le 1 juin, la tentative de la commission électorale (NEC) pour contrôler les réseaux sociaux durant la campagne présidentielle rwandaise n’aura pas duré longtemps. Si elle avait été menée à bien, alors chaque candidat au scrutin du 4 août aurait dû, entre le 14 juillet et le 4 août, soumettre à la NEC chacune de ses publications sur les réseaux sociaux.

Mais jeudi, la commission a fait marche arrière. « Les candidats pourront publier du contenu sur les réseaux sociaux, sans le soumettre à la commission électorale, et s’ils commettent des fautes ils feront face à la législation », a notamment déclaré le président de la NEC, Kalisa Mbanda, à l’AFP. La commission s’est également fendue d’un tweet, expliquant qu’elle ajusterait la réglementation sur les réseaux sociaux en fonction des remontées que lui feraient les membres de la société civile sur le sujet.

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Une mesure critiquée de toutes parts

Les raisons de cette annulation n’ont pas été avancées, mais la mesure avait suscité une vive controverse dès son annonce. C’est d’abord l’opposition qui s’en est offusquée, y voyant un moyen d’empêcher toute critique du régime du président Paul Kagame, au pouvoir depuis 1994. « C’est injuste, car nous estimons que les réseaux sociaux doivent être quelque chose de spontané », regrettait il y a quelques jours auprès de l’AFP le candidat Frank Habineza, président du parti démocratique vert, unique formation d’opposition autorisée au Rwanda.

La femme d’affaire Diane Rwigara, candidate à la présidentielle depuis le 3 mai, avait de son côté dénoncé l’absence de liberté d’expression au sein du pays. « Les seules personnes qu’on entend sont celles qui encensent le régime. Il n’y a rien de mal à complimenter le gouvernement, mais il y a une catégorie de Rwandais dont les points de vue ont besoin d’être entendus » avait-t-elle déclaré selon RFI.

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Les responsables occidentaux présents dans le pays avaient eux aussi dénoncé cette mesure. L’ambassadrice des États-Unis, Erica Barks-Ruggles, y voyait par exemple « une très très sérieuse limitation de la liberté d’expression », alors que l’ambassadeur d’Allemagne Peter Woeste, s’était interrogé : « Nous avons les mêmes problèmes dans nos pays, nous discutons de comment contrôler Facebook, comment limiter les discours haineux et tout cela, mais la censure est-elle la voie à suivre ? »

Même les institutions du pays s’étaient montrées critiques à l’égard de cette mesure. L’autorité de régulation des médias du Rwanda (Rura) avait estimé que « la Commission électorale nationale n’a pas le mandat de réglementer ou d’interrompre l’utilisation des médias sociaux par les citoyens ». Le régulateur, non consulté par la NEC sur le sujet, « [souhaitait] réaffirmer le droit des citoyens de s’exprimer sur les réseaux sociaux et d’autres plates-formes TIC », rapporte l’AFP.

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La ministre rwandaise des Affaires étrangères et porte-parole du gouvernement Louise Mushikiwabo avait de son côté écrit sur Twitter que les Rwandais devraient pouvoir s’exprimer librement sur les réseaux sociaux en période d’élection. « Nos lois ciblent les abus, pas des opinions ! », avait-elle notamment souligné sur Twitter.

« Éviter la division dans la population »

Le président de la commission électorale avait justifié la mesure en expliquant qu’elle permettrait selon lui d’ « éviter des expressions, des paroles, des actes pouvant amener la population à des actes d’insécurité, au réveil du divisionnisme dans la population » dans un pays traumatisé par le génocide de 1994 qui a fait quelque 800 000 morts.

Au total, quatre candidats d’opposition ont déclaré leur intention de participer à la présidentielle face au président sortant, Paul Kagame. Ils doivent encore recevoir l’aval de la commission électorale pour se présenter. En décembre 2015, les Rwandais ont voté massivement en faveur d’une révision de la Constitution (à plus de 98%), ce qui permet aujourd’hui à Paul Kagamé de briguer un 3e mandat. Même s’il a assuré à Jeune Afrique qu’il s’agirait « sans doute » du dernier, l’actuel chef de l’État peut potentiellement diriger le pays jusqu’en 2034.

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