Afrique du Sud : Zuptas versus Institutions

Alors que les opposants au président Jacob Zuma continuent de s’interroger sur la meilleure stratégie à suivre pour l’éloigner du pouvoir, un récent rapport co-écrit par des chercheurs sud-africains vient enrichir l’analyse des dérives du pouvoir par une nouvelle approche.

L’homme d’affaires Atul Gupta (centre), et le président sud-africain Jacob Zuma (à gauche)  à à une réception organisée par le quotidien New Age, le 16 mars 2012. © GovernmentZA/Flickr

L’homme d’affaires Atul Gupta (centre), et le président sud-africain Jacob Zuma (à gauche) à à une réception organisée par le quotidien New Age, le 16 mars 2012. © GovernmentZA/Flickr

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Publié le 2 juin 2017 Lecture : 3 minutes.

Selon cette étude du State Capacity Research Project publiée le 25 mai, l’Afrique du sud ne serait pas un simple régime clepto-maniaque opérant au profit d’un réseau d’État de type ‘mafieux’ – les Zuptas, pour la contraction du Zuma et de Guptas du nom de la sulfureuse famille indienne très proche du président – mais bel et bien un régime poussé par une logique de déstabilisation visant à éroder les institutions et le cadre normatif mis en place par la Constitution de 1996.

Tout commencerait en 2007 lorsque l’actuel président, porté au pouvoir par l’aile gauche du parti, accède à la présidence de l’ANC. Des voix de plus en plus nombreuses reprochent alors au président Mbeki les échecs de ses politiques de transformation. Malgré des taux de croissances exceptionnels, les inégalités ne se réduisent pas. Si une petite élite noire existe et qu’une classe moyenne s’est constituée, le pouvoir économique du capitalisme blanc semble intact. Le paradigme de la transformation économique s’essouffle. Au sein du parti de libération, d’autres composantes réfléchissent à de nouveaux moyens de redistribuer les richesses du pays. La transformation économique du pays doit être repensée. Arrivé au pouvoir en mai 2009, Jacob Zuma et ces réseaux vont appliquer ces nouvelles idées.

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Les compagnies d’État prises pour cibles

Le nouveau pouvoir cible alors les compagnies d’État, et lance de vastes programmes de modernisation économique. Une nouvelle garde prend le contrôle des entreprises stratégiques d’État et dirige les contrats les plus importants vers une nouvelle élite. La famille Gupta, arrivée d’Inde en 1993, se retrouve sous le feu des projecteurs. Tandis que la compagnie aérienne South African Airlines doit se doter d’une nouvelle flotte, de nouvelles centrales électriques voient le jour dans des conditions troubles.

À ce stade l’Afrique du Sud fait une fois encore office de laboratoire de gouvernance pour l’Afrique

Plusieurs contrats sont cependant annulés par le ministre des Finances, le très pointilleux Nhlanhla Nene. Dans les cercles proches du pouvoir, la Constitution et ses normes financières deviennent alors le principal obstacle à une transformation réelle de l’économie. Entre 2014 et 2017, le président tentera à de nombreuses reprises de prendre le contrôle de ce ministère clé, sans succès jusqu’à un soir de mars 2017. Le grand nettoyage recommence, de nombreux fonctionnaires sont relevés de leur fonction tandis qu’ils sont de plus en plus nombreux à partir d’eux même, refusant la mise au pas. Les effets se révèlent dévastateurs, l’augmentation des ressources financières allouées se couple à une baisse drastique des capacités institutionnelles.

Entreprise d’affaiblissement des capacités institutionnelles

Plus qu’un simple détournement des ressources étatiques au bénéfice d’une élite matérialiste, c’est à une entreprise d’affaiblissement des capacités institutionnelles chargées d’édicter et d’appliquer les normes auquel se retrouve confrontée l’Afrique du Sud. Au vue des récentes statistiques économiques, rien ne semble aujourd’hui indiquer qu’un affaiblissement des institutions hérité de la transition ouvrirait la voix à plus d’égalité et de justice en Afrique du Sud. Le désordre bénéficiant aux connectés et aux mieux dotés. La constante dévaluation du rand, quant à elle, affaiblit en premier lieu les petits revenus.

À ce stade l’Afrique du Sud fait une fois encore office de laboratoire de gouvernance pour l’Afrique. Exit les hommes forts et autres régimes autoritaires de développement : l’affaiblissement du cadre institutionnel, de la norme, et leur remplacement par des réseaux officieux, devant être perçu comme le contre-exemple du chemin à parcourir pour le continent.

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La mise en place d’institutions fortes, autonomes, et contraignantes visant à organiser une redistribution pérenne des ressources continentales apparaît à la lumière du cas sud-africain comme la seule solution pertinente à une réduction soutenue des inégalités.

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