Tunisie : retrouver la foi

Il suffit d’un rien. Une rumeur, une information mal présentée ou incomplète et les Tunisiens s’inquiètent. Citoyens, milieux d’affaires, communauté internationale… Dès qu’un événement inattendu survient en politique ou qu’un mouvement social s’intensifie, tout le monde est en alerte.

Un drapeau tunisien. © Habib M’henni / CC / Wikimedia commons

Un drapeau tunisien. © Habib M’henni / CC / Wikimedia commons

  • Frida Dahmani

    Frida Dahmani est correspondante en Tunisie de Jeune Afrique.

Publié le 14 juin 2017 Lecture : 3 minutes.

Le drapeau tunisien, en mars 2015 à Tunis pendant une éclipse. © Christophe Ena/AP/SIPA
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La Tunisie sur le qui-vive

Citoyens, milieux d’affaires, communauté internationale… En Tunisie, alors que les élections locales doivent se tenir d’ici la fin de l’année, l’inquiétude demeure palpable et les défis sont nombreux. Pourtant, lentement mais sûrement, le pays avance.

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En cause : l’absence de visibilité due au déficit de communication des autorités ; une perte de confiance et le sentiment d’être instrumentalisé par la politique. Le désenchantement qui s’est installé a été largement analysé et commenté au fil des crises qui ont secoué le pays depuis la chute de l’ancien régime en 2011.

Mais, au-delà des faits, les Tunisiens ont la sensation que leur destin leur échappe au point que, par une sorte d’atavisme culturel, ils se complaisent à évoquer le pire. Voire à le convoquer, comme une fatalité. Épiphénomènes montés en épingle, lecture tronquée des faits, tout est bon pour nourrir une sorte de catharsis permanente qui profite de la Toile et des médias pour se déverser.

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Le phénomène n’est pas négligeable ; sur près de 11 millions de Tunisiens, 57,1 % utilisent assidûment Facebook et se sentent pour la plupart investis d’un rôle de lanceur d’alerte, sans prendre la mesure de la toxicité et de la désinformation engendrées par les réseaux sociaux.

Les Tunisiens maintenus dans le doute

La révolution web 2.0, comme elle avait été qualifiée, devient paradoxalement un enfermement qui déconstruit une liberté d’expression en quête d’exutoire faute d’autres espaces. La confusion est d’autant plus grande que l’émotion prime l’analyse. À lire tous ces augures, le pays est au bord du gouffre et sous la menace d’une catastrophe imminente qui finirait par l’achever.

Bien entendu, les Tunisiens espèrent éviter une telle issue, mais, maintenus dans le doute sur les intentions du pouvoir, ils se prémunissent contre le pire, à défaut de pouvoir influer sur les choix politiques.

La fracture est là

La fracture est là. Les Tunisiens aspiraient à un État juste et découvrent qu’il est gangrené. Ils ne se reconnaissent ni dans les discours identitaires que leur servent les partis ni dans l’Assemblée qu’ils ont pourtant élue. Ils sont mis en présence de nouvelles calamités : la corruption, la contrebande et le terrorisme.

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Une Tunisie qui résiste

Comme s’il y avait eu méprise quelque part. Comme si la population ne pouvait plus agir sur les choix de société pour tenter de mettre un terme aux dérives. La responsabilité des politiques est engagée, mais aussi celle d’une société civile qui a perdu son élan, éreintée par six ans de vigilance et de mobilisation.

Pourtant, la Tunisie avance, et son parcours, bien que chaotique depuis 2011, est exceptionnel. Au lendemain du fameux « vrai-faux » Printemps arabe, le pays a su tirer son épingle du jeu de la realpolitik qui a rebattu les cartes de la région. Et, si la stabilité de la Tunisie est fortement liée à la résolution des conflits chez son voisin libyen, le pays résiste, plie mais ne rompt pas.

Les Tunisiens attendent seulement un signe d’encouragement de leurs responsables politiques

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Les entreprises privées n’ont pas flanché malgré la crise économique sévère, les jeunes sont un vivier d’initiatives, et les femmes, par leur mobilisation, sont devenues des vigies de la démocratie. Autant d’indicateurs positifs qui devraient susciter un retour de confiance, mais les Tunisiens, sevrés pendant près de soixante ans de leurs droits, ont du mal à croire en ce qu’ils ont accompli.

Leur envie est pourtant là, et l’espoir demeure. Le soutien populaire, très large et spontané, apporté à Youssef Chahed, le chef du gouvernement, dans sa campagne contre la corruption lancée le 22 mai, montre combien les Tunisiens attendent seulement un signe d’encouragement de leurs responsables politiques pour retrouver foi en eux-mêmes.

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