L’Algérie a besoin d’une école moderne pour faire rempart contre l’obscurantisme
Pédagogue, auteur de « L’impossible éradication : l’enseignement du français en Algérie », Ahmed Tessa nous livre une tribune sur les écoles modernes en Algérie.
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Ahmed Tessa
Ahmed Tessa est pédagogue, auteur de « L’impossible éradication : l’enseignement du français en Algérie ».
Publié le 13 juin 2017 Lecture : 3 minutes.
Réinventer l’Algérie
Tarissement de la manne pétrolière, crise financière, désenchantement, lourdeurs administratives… La liste des difficultés qui empêchent le pays d’exploiter tout son potentiel est longue. Pourtant, les idées ne manquent pas. Tour d’horizon de ces solutions qui pourraient le faire redécoller.
La date du 25 juillet 2015 restera gravée dans l’histoire de l’école algérienne. Il s’agit de l’organisation de la première Conférence nationale sur l’évaluation de la mise en œuvre de la réforme de l’école, au bout de treize ans de travail, soit l’équivalent d’un cursus complet de scolarité. Il était temps ! En 2001, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, ouvre le chantier de la réforme de l’école. Celle-ci est lancée en septembre 2003 et connaît un démarrage laborieux, avec deux principales erreurs.
D’abord au sujet du pilotage de la réforme : l’intégration d’une nouvelle approche de l’enseignement, centrée sur les compétences, s’est faite dans la précipitation. Il n’y a pas eu de phase expérimentale, pas plus que de formation ciblée des enseignants et des inspecteurs. Et les programmes ainsi que les nouveaux manuels ont été confectionnés à la va-vite, déroutant les professeurs dans leurs classes.
La seconde erreur concerne les choix stratégiques, notamment d’ordre pédagogique : la suppression d’une année dans le cycle primaire (cinq ans au lieu de six) sans que le préscolaire soit généralisé, ainsi que la réintroduction de l’examen de sixième, du brevet et d’un nombre incalculable d’épreuves dites d’évaluation hebdomadaire.
Dès le primaire, l’élève a peur d’aller à l’école
Une « examinite » qui a fini par créer un climat anxiogène fait de pression et de méfiance. Dès le primaire, l’élève a peur d’aller à l’école, il saute son petit déjeuner. En classe, il se recroqueville sur lui-même par crainte de la note sanction, du redoublement. Parfois, cela va même jusqu’à la phobie scolaire.
Et la violence n’est pas loin. Face à cette angoisse des parents et des enfants, des enseignants et des personnes extérieures ont imaginé un stratagème : doper les élèves avec des cours payants clandestins. Une école quasi parallèle !
Lors de cette Conférence de juillet 2015, tous ces dysfonctionnements – nés de la réforme ou antérieurs – ont été passés au peigne fin pour mieux asseoir le diagnostic et prescrire les solutions idoines. Des spécialistes, universitaires et pédagogues de terrain, ont établi un bilan. Et les chiffres sont peu reluisants. À titre d’exemple : sur 100 élèves qui entrent à l’école, seuls quatre arrivent à décrocher le bac sans avoir redoublé.
Dans une année scolaire, l’élève algérien reçoit moins de leçons que ses pairs des autres pays : au maximum vingt-quatre à vingt-six semaines par an, alors que les normes internationales ont fixé trente-six voire quarante semaines par an – soit un déficit en apprentissage de presque deux ans sur une scolarité complète de douze ans.
Des programmes qui ne reflètent pas l’identité algérienne
En revanche, sa journée de classe est la plus longue et la plus chargée. Et ce alors même que des portions congrues sont allouées aux langues étrangères, à la pratique du sport et aux activités artistiques. Mais le plus pénalisant dans la formation du futur citoyen réside dans les contenus culturels des programmes et des manuels.
La réforme de 2003 et la précédente ont mis à mal l’algérianité, cette identité de synthèse tant culturelle que linguistique et historique. Se sont introduits dans notre système scolaire des référents étrangers que l’on fait passer comme étant les nôtres, tels que le wahhabisme. Notre histoire est tronquée de sa dimension amazigh, tout comme sont exclus la littérature algérienne et ses auteurs, toutes expressions confondues (arabe, amazigh, français).
Des référents étrangers ont été introduits dans les programmes scolaires, tel que le wahhabisme
Tous ces problèmes perdurent depuis des décennies, et cela n’a pas inquiété certains cercles influents de la scène politico-médiatique. Si les recommandations de la Conférence ont suscité l’ire des conservateurs, c’est parce qu’elles visent justement à les supprimer. Mais cette réforme tend vers la modernisation d’une école algérienne de qualité. N’est-ce pas le moyen de protéger la société de l’archaïsme et le citoyen du charlatanisme et du radicalisme idéologique ?
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Tarissement de la manne pétrolière, crise financière, désenchantement, lourdeurs administratives… La liste des difficultés qui empêchent le pays d’exploiter tout son potentiel est longue. Pourtant, les idées ne manquent pas. Tour d’horizon de ces solutions qui pourraient le faire redécoller.
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