Seyni Nafo : « Le retrait des États-Unis de l’accord de Paris n’est pas une surprise »

C’était un des arguments phares de la campagne de Donald Trump et c’est désormais une réalité.

Seyni Nafo, porte-parole de l’Afrique à la COP 25 et ambassadeur pour le climat du Mali, le 16 septembre 2015 à Abidjan. © Olivier pour J.A.

Seyni Nafo, porte-parole de l’Afrique à la COP 25 et ambassadeur pour le climat du Mali, le 16 septembre 2015 à Abidjan. © Olivier pour J.A.

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Publié le 5 juin 2017 Lecture : 5 minutes.

Le président américain a annoncé jeudi 1er juin la sortie des Etats-Unis de l’accord de Paris sur le climat, signé lors de la COP 21 en décembre 2015 à Paris. Les 194 pays signataires s’engageaient à maintenir le réchauffement climatique en dessous des 2°C d’ici 2100 et, de fait, à réduire leurs émissions de Co2, dont les Etats-Unis sont les deuxièmes principaux contributeurs dans le monde, derrière la Chine.

Le déficit dans le budget du Fonds vert pour le climat (FVC) va être une des conséquences directes de ce retrait. Et le continent sera le premier touché. Le fonds finance des initiatives nationales destinées à réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les pays en développement et vise à aider les communautés vulnérables à s’adapter au changement climatique. Il doit aussi réserver la moitié de sa dotation aux États insulaires et aux pays les moins avancés, majoritairement situés en Afrique.

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Seyni Nafo, président du groupe des négociateurs africains sur le climat, porte-parole de l’Afrique à la COP 21 et ambassadeur pour le climat du Mali se confie à Jeune Afrique sur l’impact de la décision américaine et les solutions envisagées pour poursuivre la lutte contre le réchauffement sur le continent.

Jeune Afrique : cette annonce avait-elle été anticipée du côté des pays africains ?

On suivait attentivement le dossier depuis le début du mandat de Donald Trump. Ça fait environ un mois que nous avions de forts soupçons, plusieurs rumeurs circulaient au sein de l’administration américaine. Pour être honnête nous nous attendions à une annonce lors du sommet de Bonn au début du mois de mai, mais c’était le premier grand sommet sur la question climatique depuis l’élection de Donald Trump, le timing n’était peut-être pas idéal pour eux. Disons que cela fait deux semaines que nous sommes sûrs de ce retrait, donc c’est un coup dur mais ce n’est pas une surprise.

Quel impact concret ce retrait va-t-il avoir sur la viabilité du Fond vert pour le climat (FVC) ?

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Le Fond vert pour le climat, c’est un budget de 10 milliards de dollars, dont 30%, soit 3 milliards de dollars, que les Etats-Unis s’étaient engagés à verser. L’impact sera là. L’administration Obama en avait versé le tiers mais celle de Donald Trump nous a très vite fait comprendre qu’il ne fallait pas que l’on compte sur les 2 milliards restant. John Kerry s’était également engagé à doubler les subventions pour l’adaptation aux impacts du changement climatique, qui concernent notamment les ajustements dans le domaine de l’agriculture, de la pêche ou de la gestion des ressources en eau. Elle devait passer de 400 millions à 800 millions de dollars entre 2016 et 2020. Mais là encore le discours de l’administration Trump a toujours été clair.

Je ne pense pas qu’un effet boule de neige soit une possibilité

Quelles solutions sont aujourd’hui envisagées pour combler ce déficit ?

Il va probablement falloir que les autres partenaires augmentent leurs investissements. Ces dernières semaines nous avons été de plus en plus attentifs aux signaux envoyés par nos partenaires européens avec la menace de plus en plus imminente d’une sortie des Etats-Unis de l’accord de Paris. Les réponses apportées dès l’annonce américaine avec les réactions des différents dirigeants sont en ce sens positives. Avec ce retrait, les pays européens engagés dans la réduction des émissions de Co2, mais aussi la Chine, vont prendre une importance croissante. Nous sommes confiants sur le fait que ces pays aideront à combler le trou laissé par le recul américain. Il y aura aussi très prochainement une réunion des administrateurs africains pour évaluer les dégâts et les solutions à adopter.

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Y-a-t-il une crainte que le refus du président des Etats-Unis, deuxième principal émetteur de Co2 au monde, ait un effet dissuasif quant à l’investissement de certains pays africains, notamment ceux qui n’ont pas encore ratifié l’accord ?

La réduction des émissions de Co2 reste l’objectif majeur de la lutte contre le réchauffement et en ce sens, la décision américaine très grave. Mais je ne pense pas qu’un effet boule de neige soit une possibilité. A l’exception des Etats-Unis, les pays majeurs comme la Chine ou l’Inde sont présents dans cet accord. Le processus de ratification est plus ou moins compliqué en fonction des pays mais les ambitions africaines dans le domaine écologique s’inscrivent dans cette dynamique.

Les dirigeant africain sont conscients de la réalité du terrain et de l’urgence de la lutte contre le réchauffement climatique qu’ils subissent de plein fouet

Si les Etats-Unis s’étaient retirés avant que l’accord n’entre vigueur, peut-être qu’il y aurait eu un effet dissuasif en Afrique. Mais depuis un peu plus de deux ans et le travail en amont de la COP 21 à Paris, les pays africains prennent de plus en plus les choses en mains. Le premier sommet africain pour l’action écologique qui a été organisé en marge de la COP 22 à Marrakech montre bien que les dirigeant africain sont conscients de la réalité du terrain et de l’urgence de la lutte contre le réchauffement climatique qu’ils subissent de plein fouet.

Quid des projets déjà lancés sur le continent avec l’argent du FVC ? Doit-on s’attendre à une gestion plus prudente des ressources du FVC avec l’incertitude budgétaire causée par le retrait américain ?

Non, ces projets vont se poursuivre car les contributions du FVC sont mobilisées par appel de fonds. Concrètement, les projets ne sont lancés qu’à partir de l’argent que le FVC a déjà en caisse, il n’y a pas de spéculation à partir du budget prévisionnel. Mais nous ne sommes pas inquiets sur notre capacité à récupérer les fonds manquants, même sans les Etats-Unis, pour continuer de financer les différentes initiatives. La feuille de route va rester la même.

Justement, depuis son lancement, la mise en place du FVC sur le terrain a été quelque peu laborieuse et pointée du doigt par certains pays…

On en est conscient et on y travaille. Je pense que le Fonds a très vite mobilisé l’intérêt des différents partenaires européens comme américains et a été bâti avec des standards très élevés. Mais le staff et les moyens n’étaient pas en accord avec les ambitions affichées. Nous avons longtemps évolué avec une équipe d’à peine 30 personnes. En deux ans nous sommes passés à un staff de 200 membres et il faudra continuer pour répondre aux attentes.

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