Hommage à Daniel Biyaoula

Christine Denizon est traductrice. Elle fut la compagne de l’écrivain congolais Daniel Biyaoula, décédé en mai dernier. Elle lui rend ici hommage, à l’occasion de l’anniversaire de sa naissance.

Publié le 11 septembre 2014 Lecture : 3 minutes.

En ce jour anniversaire de la naissance de Daniel Biyaoula, je remercie Jeune Afrique de me donner l’espace pour célébrer l’homme qui a été mon compagnon, mais qui avant tout était un Homme libre, un Africain, un Congolais, un MushiNdamba, un MushiMpanzu, une conscience, un scientifique, un écrivain ; il était aussi un ami, un fils, un frère, un père, un oncle.

Si L’Impasse, Agonies, La Source de joies, et tous ses autres textes parlent d’eux-mêmes du talent littéraire, et artistique, de Daniel Biyaoula — que j’ai d’abord rencontré parce que je voulais le traduire —, ils ne disent rien du travail acharné qui les a précédés, des mois qu’il passait à se documenter, à réfléchir et à organiser mentalement son récit ; des jours, des heures, des secondes qu’il consacrait à modifier, affuter les mots, déplacer les phrases, à trouver la construction parfaite, étapes nécessaires au déploiement de « la Puissance du Verbe ». Ils ne disent rien des souffrances, de la torture qui le déchiraient pour écouter ses personnages, les entendre, se fondre en eux et les faire vivre, libres, par cette encre, sur ce papier, dans cette histoire, jusqu’à nos cœurs, jusqu’à nos âmes, jusqu’à nos consciences. Rien des lectures, relectures, re-relectures, jusqu’à ce que tout tombe bien comme un costume d’Armani, jusqu’à ce que tout sonne juste comme une note de Monk.

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Et c’est bien cela, — et non la simple bénédiction des muses comme l’ont écrit certains —, la marque d’une grande œuvre.

Ceux qui ont pu l’écouter lors d’interviews, de lectures ou de débats, connaissent sa voix chaude et puissante ; ils connaissent son intelligence fulgurante, son exigence, sa grande maîtrise de l’histoire de son peuple et de l’histoire du monde que lui permettait sa formidable mémoire.

Ceux qui étaient ses amis le savent et n’ignorent rien non plus de son sens aigu de l’humour, de son insatiable curiosité de tout, son infatigable joie de vivre, son écoute si intense, si profonde, si sincère (dans cette vidéo aux 17′ et 42′), son ouverture au dialogue, — résultant à la fois de sa personnalité et de sa formation de chercheur en microbiologie —, avec ses adversaires aussi, même s’il s’agissait de combattre leurs idées.

Et moi qui ai eu l’honneur et le bonheur d’être à ses côtés ces 14 dernières années, je connais tout cela, et bien plus encore…  Je connais tout ce qu’il m’a fait la confiance de savoir, de partager avec lui, tout ce qu’il m’a fait l’honneur et le don de savoir, de partager avec moi, de Césaire à James Brown, de Salif Keita à Faulkner, de Baldwin et Antoine Moundanda à Tchikaya U’tamsi, de « Yà [Ray] Charles » et Damas, à Ladysmith Black Mambazo, François-Xavier Verschave et Survie… Toutes ces sources de perfection, toutes nos sources de joies…

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Daniel Biyaoula était un homme d’action. Il savait en effet, lui, Homme d’Harmonie, Homme de Paix, que paix et harmonie ne pouvaient être atteintes qu’en s’étant soi-même préparé, pour « devenir Mars » et lutter pieds et poings, corps et âme contre toute tentative d’asservissement, de spoliation, de privation de la liberté de penser, de la liberté de dire, de la liberté de vivre selon son choix et dans le respect des autres (Cf. Le Dernier Homme, ou Lettre contre la guerre, RFI/MFI, 2002, et 2003).

Oui, Daniel Biyaoula était Africain, « Nègre Congo », de la tête aux pieds, du cœur à la plume, du passé au présent et à l’avenir.

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Et tant qu’il était en vie, l’Afrique avait une de ses voix les plus fortes, et l’un des plus farouches défenseurs de son indépendance.

Cette voix s’est éteinte le 25 mai dernier, même si elle n’a pas dit son dernier mot.

Que d’autres voix s’élèvent, ou continuent à s’élever, tout aussi puissantes que la sienne.

Que d’autres âmes, d’autres consciences s’éveillent et parlent, aussi courageuses que les siennes, aussi droites, aussi belles, généreuses, lucides et toujours libres.

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Les expressions de Daniel Biyaoula sont indiquées entre guillemets.

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