Trump, ce sagouin qui tenait ses promesses !
L’autre jour, à Heathrow, une panne informatique cloua au sol les coucous de la British Airways et je me retrouvai, après quelques heures d’attente, en pleine discussion avec mon voisin d’infortune, un Américain qui voyageait avec sa femme (voilée) et une gamine espiègle.
Vous savez comment ça se passe dans les aéroports, les gares ferroviaires et les pontons où l’on amarre les barcasses (tiens, ça fait longtemps que je n’ai pas voyagé en barcasse) : quand il y a un retard qui se prolonge, on engage la conversation avec ses voisins, fussent-ils laids, on sympathise, on finit par partager le pain et le sel, voire plus si affinités. Or donc, l’autre jour, à Heathrow, une panne informatique cloua au sol les coucous de la British Airways et je me retrouvai, après quelques heures d’attente, en pleine discussion avec mon voisin d’infortune, un Américain qui voyageait avec sa femme (voilée) et une gamine espiègle que je supposai être leur fille.
Un Américain, donc. Enfin, si l’on veut… Vous avez remarqué qu’ils ont presque tous un trait d’union dans leur identité, ces zigotos ? Italian-American, Irish-American… Celui-là ne faisait pas exception. « Arab-American! » se présenta-t-il fièrement. D’origine égyptienne, Nubien pour tout dire, habitant à Chicago, gérant un magasin de quincaillerie en gros, Anouar (car tel était son prénom) ne m’épargna rien de son CV. Voulant créer un rapport de connivence entre nous par souci de réciprocité puisqu’il avait ainsi mis son cœur à nu devant moi, je lui glissai :
– Je vous plains, l’ami. Vous devez bien souffrir sous Trump. Qu’est-ce qui a pris à ces idiots de voter pour un clown pareil !
Il me regarda, étonné, comme si j’avais proféré une énormité. Puis me rétorqua, l’œil sévère, drapé dans sa dignité :
– Mais j’ai voté pour Trump !
Ce fut mon tour d’être stupéfait
Quoi ? Comment ? Était-il donc chrétien ? Pas du tout : il était musulman pratiquant, sa femme également et la gamine itou. Mais alors ? Pourquoi diable avait-il voté Trump ? Il me répondit solennellement qu’il croyait au capitalisme, à la libre entreprise, au rêve américain et qu’il avait confiance en « Donald » parce que ce dernier était lui-même un businessman, à la différence de l’horrible sorcière Hillary Clinton, « une socialiste » selon lui – le mot valait insulte, on le voyait à la grimace qu’il fit en le proférant. Je voulus rattraper ma gaffe :
– Ah, je comprends. Vous ne voyiez en Trump que le businessman. Vous n’étiez donc pas bien informé, vous ne saviez pas qu’il avait l’intention de restreindre l’entrée des musulmans aux États-Unis…
Anouar secoua la tête en signe de dénégation.
– Pas du tout ! Je le savais ! J’ai des oreilles, constatez vous-même, et je sais lire aussi.
Décidément, ça devenait surréaliste. Mais z-alors, mais z-alors, pourquoi diable avait-il quand même voté pour l’inénarrable Donald et ses cent trente kilos de bêtise ? La réponse d’Anouar valait son pesant de pistaches :
– Mais parce que je ne pensais pas qu’il allait appliquer son programme ! Je me suis senti trahi quand il a signé son décret antimusulman.
On en est là. On touche le fond.
Dans ce monde de plus en plus absurde, ce monde où la parole d’un homme ne semble plus rien représenter, un quincaillier musulman de Chicago en arrive à se sentir floué par son politicien préféré parce que ce dernier fait ce qu’il a dit qu’il ferait… Ça me rappelle la blague bien connue : « Tu vas où, Toto ? – À Paris, Dédé. – Ah Toto, tu me déçois. Je croyais pourtant être ton ami. Tu me réponds “je vais à Paris” pour que je croie que tu vas à Marseille, or je sais que tu vas à Paris. Alors pourquoi tu me mens ? »
On en est là. Là-haut, les Martiens doivent bien rigoler.
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