RDC – Omar Kavota : « Au Nord-Kivu, le désarmement avance à pas de tortue »

Dans l’est de la RDC, la rentrée scolaire a été perturbée en début de semaine. La faute à une insécurité tenace, liée aux groupes rebelles et à des bandits armés. Entretien avec Maître Omar Kavota, vice-président et porte-parole du regroupement d’ONG de la société civile du Nord-Kivu.

Omar Kavota se veut le porte-parole de l’inquiétude des habitants du Nord-Kivu. © radiookapi.net

Omar Kavota se veut le porte-parole de l’inquiétude des habitants du Nord-Kivu. © radiookapi.net

Publié le 10 septembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Comment s’est passée la rentrée au Nord-Kivu ?

Me Omar Kavota : Dans notre province, les élèves ont repris les cours ce lundi 8 septembre dans plus de 80 % des écoles. La rentrée n’a cependant pas été possible dans plusieurs localités, car nous avions lancé au même moment une journée "ville morte" en mémoire du général Bahuma (décédé le 30 août en Afrique du Sud et enterré le 7 septembre à Kisangani, NDLR). C’était pour nous une façon de le pleurer avec sa famille et d’honorer ce libérateur. C’était aussi une manière d’exiger à nouveau de l’État congolais une enquête sur les circonstances de sa mort et de celle du colonel Ndala, assassiné début janvier. Mais la rentrée a surtout été perturbée par l’insécurité qui persiste.

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Quel bilan faites-vous du désarmement des groupes rebelles ?

Après le démantèlement du M23 et la traque des rebelles ougandais ADF-Nalu, nous avions observé entre 2 500 et 4 000 redditions volontaires dans différents groupes armés (notamment les milices Maï-Maï). Sur le terrain, nous constations une baisse de l’intensité des violences. Mais, un nombre important de ces rebelles sont retournés en brousse, car ils se sont estimés lésés par rapport au M23, dans la loi d’amnistie promulguée début février par le président Kabila. Dans les environs de Goma, près de la moitié des 4 000 rebelles ont ainsi quitté le centre qui les accueillait…

Les habitants du Nord-Kivu estiment souvent que les combattants du M23 sont en train de se réorganiser en Ouganda et au Rwanda.

Les habitants du Nord-Kivu sont inquiets. Ils estiment souvent, par exemple, que les combattants du M23 sont en train de se réorganiser en Ouganda et au Rwanda pour reprendre les hostilités… Quant aux Forces démocratiques pour la libération du Rwanda (FDLR), dans la province, ils ne sont que 200 sur 1 800 au total à avoir déposé les armes. Ce processus avance à pas de tortue ! Il faut laisser aux FDLR jusqu’à décembre pour désarmer volontairement, tout en se préparant à les désarmer de force… La communauté internationale doit aussi faire pression sur le Rwanda pour les accueillir.

Et puis il y a les rebelles de l’Armée nationale de libération de l’Ouganda (ADF-Nalu)…

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Oui, ces dernières semaines, à la faveur de la trêve avec les ADF-Nalu, la Monusco et les Forces armées congolaises (FARDC) ont largué des tracts dans le territoire de Beni appelant ces rebelles à se rendre avant la poursuite de l’opération militaire Sokola ("Nettoyez", en lingala) lancée en janvier dernier. Mais, les ADF en ont profité pour se reconstituer et procéder à de nouveaux pillages et enlèvements. L’Ouganda doit cesser de soutenir militairement et logistiquement ces rebelles.

Quelle est la situation des otages ?

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Entre 2010 et 2013, les ADF ont enlevé 894 civils, notamment des enfants. Environ 200 otages ont été libérés et sont retournés dans leurs villages. Là-bas, ils sont hébergés chez des parents éloignés ou dans des familles d’accueil. Ils ne bénéficient d’aucune assistance matérielle ou psychologique, ni du gouvernement, ni des ONG. Pourtant, ils sont malnutris et leur état de santé est précaire. La plupart des femmes ont été violées par ces rebelles, elles sont parfois tombées enceintes ou ont eté contaminées par le sida. Les otages ont servi d’esclaves et subi toutes sortes de tortures.

Ces dernières semaines, une autre insécurité s’est développée, avec des kidnappings mafieux au Nord-Kivu…

Depuis le début de l’année, dans les territoires de Beni et Lubero, 20 civils présumés nantis (commerçants, médecins, pasteurs, etc.) ont été enlevés par des bandits armés. Ces deux derniers mois, nous avons compté une dizaine d’enlèvements. Ces personnes ont presque toutes été relâchées après versement de 5 000 à 20 000 $ et plus.
Ce banditisme urbain n’est pas lié aux groupes rebelles : kidnapper des gens contre une rançon n’est pas dans leur mode opératoire. Ce phénomène prend de l’ampleur, profitant d’une certaine léthargie, parfois même de quelques complicités dans l’armée régulière. Mais, ce n’est pas un système en tant que tel. Dans les rangs des FARDC, le général Bahuma avait renforcé la discipline.

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