Sciences humaines : explorer le Maghreb dans les pas de Driss Mansouri

Regroupant des articles de spécialistes reconnus, un ouvrage rend hommage au chercheur marocain Driss Mansouri.

L’université Dar-El-Mehraz, à Fès. © Fadel Senna/AFP

L’université Dar-El-Mehraz, à Fès. © Fadel Senna/AFP

Publié le 10 septembre 2014 Lecture : 2 minutes.

Réalisé à la mémoire du philosophe et chercheur Fassi Driss Mansouri, disparu en 2012, l’imposant recueil Pratiquer les sciences sociales au Maghreb combine des exposés qui n’évitent en aucune manière les sujets sensibles, voire tabous, comme l’esclavage ou la sexualité, et refusent de ménager les susceptibilités identitaires.

Pour rendre hommage à leur ami, que l’érudition et la soif de connaissances distinguaient particulièrement, François Pouillon et Mohamed Almoubaker, dans une introduction émouvante, expliquent que leur fidélité les a poussés à insister sur la continuité de l’oeuvre de Driss Mansouri plutôt qu’à revenir sur ce qu’elle voulait bâtir.

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Ils ont convié des spécialistes reconnus, à l’instar notamment de Dominique Casajus, Jean-Philippe Bras, Léon Buskens, ou encore Alain Messaoudi, mais aussi de plus jeunes chercheurs qui tantôt se sont livrés à un examen rétrospectif de leur travail, tantôt ont préféré exposer leurs thèmes actuels de recherche – spécialement novateurs.

Les contributions sont données selon des axes qui réussissent le tour de force d’en agencer avec justesse la richesse et la variété, tant les recherches couvrent l’étendue des sciences humaines. Signalons le très beau texte de François Pouillon, qui a constitué son séminaire d’adieu à l’École des hautes études en sciences sociales ("Dernière séance : retour sur un séminaire").

Qu’on se rassure : ces "adieux" n’avaient pour visée réelle que le cadre administratif universitaire français qui oblige les chercheurs à prendre leur retraite à l’âge où ils ont le plus de choses à dire.

Une mine d’informations rarement réunies

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Ce spécialiste du monde arabe rappelle que "le rôle de l’anthropologie n’est certainement pas de faire justice ; et d’ailleurs avec quelles armes et selon quelles lois ? Il ne lui revient pas de juger des faits et gestes des peuples, voire des individus, pour distinguer les bons des méchants, les salopards – même s’il y en a – des innocentes victimes, même s’il en reste. Le travail des anthropologues […] consiste plutôt à dire un tant soit peu comment les choses se passent."

C’est déjà beaucoup. C’est aussi ce qui fait de cet ouvrage une mine d’informations rarement réunies, une lecture passionnante pour les chercheurs, les amateurs, les étudiants, les curieux, ou simplement tous ceux qui auront la chance de mettre la main dessus.

Philosophe en milieu aride

Dans la secrète galaxie des chercheurs marocains en sciences sociales, Driss Mansouri n’était pas le plus clinquant. Brillant, il l’était pourtant à sa manière. Né en 1949, ce philosophe de formation "fait partie de cette génération d’universitaires qui ont peu publié", témoigne l’anthropologue Hassan Rachik, qui l’a rencontré autour de l’aventure éditoriale de Penseurs maghrébins contemporains (éd. Cérès-Eddif, 1993), ouvrage collectif qui rassembla les meilleurs spécialistes : El Ayadi, Mouaqit, Tozy, Sghir-Janjar, et le même Rachik.

"C’était un très grand lecteur, d’une prodigieuse curiosité pour les sciences sociales. Sa production ne fait pas justice à ses indéniables qualités académiques." Malgré l’atmosphère pesante (violences, surveillance policière) qui régnait à la faculté des lettres et sciences humaines Dar-El-Mehraz de Fès, Mansouri "était un animateur d’idées hors pair dans une ambiance intellectuelle déprimée, se souvient l’historien Daniel Rivet. Les étudiants avaient pour cet homme, affligé d’une main atrophiée et claudiquant, un respect empli d’affection".Youssef Aït Akdim

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