Arts plastiques : « South Africa », une exposition qui mêle création et marketing
La création contemporaine africaine est partout, cette année, en France. Musées, fondations, médias… et enseignes commerciales. Avec deux événements organisés coup sur coup à Paris, « Africa Now » et « South Africa » (BHV Marais), le groupe Galeries Lafayette entend bien surfer sur la vague. Effet marketing ou lame de fond ?
Rafraîchissante en ces temps de replis identitaires, la vague africaine continue de déferler sur la France. De Lille à Avignon, de Paris à Marseille, ce sont plus d’une quinzaine d’événements qui mettent aujourd’hui en avant une foisonnante création, longtemps boudée par les institutions comme par les collectionneurs ou les médias… Flairant le vent et lorgnant le porte-monnaie des consommateurs, même les grandes enseignes commerciales se mettent à la page. Les Galeries Lafayette proposent ainsi jusqu’au 25 juin Africa Now, une « manifestation joyeuse », une « célébration de la jeunesse qui crée aujourd’hui pour mieux inventer l’Afrique de demain ».
Accumulant clichés exotiques et célébrations de la couleur, le grand magasin invite le chaland à « plonger dans une scénographie audacieuse », à « parader en rythme », à « découvrir ce que vous n’auriez jamais imaginé ». Dans la même logique, le BHV Marais , ancien Bazar de l’Hôtel de Ville, qui appartient aussi au groupe Galeries Lafayette – lance ce mercredi 13 juin (et jusqu’au 31 juillet) une opération aux couleurs de l’Afrique du Sud, ostensiblement affichées sur sa façade.
Cette fois encore, il s’agit de mêler création et marketing. L’enseigne propose ainsi dans ses rayons toute une série de produits made in South Africa – vêtements, objets de décoration, papeterie, maroquinerie, etc. – ainsi qu’une exposition-vente.
Une quinzaine d’artistes africains exposés
Située dans la petite salle de l’Observatoire du Marais, au cinquième étage du magasin, l’exposition South Africa est le résultat d’une carte blanche offerte au marchand d’art Jean-Philippe Aka. Connaisseur avisé de la scène africaine contemporaine, et plus particulièrement de l’Afrique du Sud, ce galeriste innovant à qui l’on doit chaque année, depuis trois ans, un classement des artistes estampillés « africains » a proposé au BHV une sélection personnelle « d’artistes reconnus mais qui ne sont pas forcément dans la vision du moment ».
J’ai choisi des pièces de qualité, qui représentent pour moi le bouillonnement culturel de l’Afrique du Sud
« J’ai choisi des pièces de qualité, qui représentent pour moi le bouillonnement culturel de l’Afrique du Sud, explique-t-il. Mais surtout, j’ai voulu m’inscrire dans la vision de Nelson Mandela, pour qui il ne faut pas ignorer les apports des différentes communautés qui composent le pays et vivent dans les quartiers populaires… » En d’autres termes, Jean-Philippe Aka ne s’est pas contenté d’exposer des œuvres d’artistes sud-africains, et a ouvert le lieu à des plasticiens originaires d’autres pays du continent.
Se font donc face le portraitiste malien Malick Sidibé et la photographe sud-africaine Zanele Muholi, très engagée dans la cause LGBT. Se côtoient aussi le sculpteur d’East London Norman Catherine, la potière de Bignona, Seyni Awa Camara et le designer ivoirien Jean Servais Somian. Au total, une quinzaine d’artistes et des œuvres originales, qui donnent une belle idée de la pluralité des regards et de la variété des approches.
Des prix qui s’envolent
Bien entendu, ici toutes les œuvres sont à vendre. 22 000 euros pour un collage de Kay Hassan réalisé en 1994 – date symbole s’il en est pour l’Afrique du Sud –, 18 000 pour La fille désirée, terre cuite de Seyni Awa Camara, 14 000 pour un Marcheur du Sénégalais Ndary Lo, récemment décédé…
Les puristes regretteront sans doute la récupération marketing qui, souvent, vient amoindrir et diluer le message des artistes – tout en favorisant la diffusion de clichés. Spécialiste du marché, Jean-Philippe Aka ne s’émeut pas de cette mode française du moment, qu’il juge au fond favorable aux artistes : « Cela a de tout temps était ainsi, commente-t-il sobrement. Nous sommes toujours à la recherche de nouvelles sensations… C’est aux acteurs de ce segment de se saisir de cette opportunité, pour faire prospérer leurs affaires ou se faire connaître. »
Le seul et unique devoir sacré d’un enfant, une toile de Chéri Samba, s’est vendue à 129 000 euros
Certains en profitent déjà. Intégré dans une vente d’art contemporain généraliste organisée par la maison de ventes aux enchères Cornette de Saint Cyr (Paris), le peintre congolais Chéri Samba a largement dépassé les estimations pour Le seul et unique devoir sacré d’un enfant, une toile de 2007. L’oeuvre s’est en effet envolée à 129 000 euros (frais de vente inclus) le 12 juin dernier, un prix qui témoigne de l’intérêt croissant du marché pour une création qui occupe enfin – pour combien de temps ? – le devant de la scène.
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