« Mon Premier Ramadan » : le Marocain Abdeslam Ouaddou, ancien footballeur international, témoigne
Aujourd’hui retraité, l’ex-défenseur des Lions de l’Atlas, vice-champion d’Afrique 2004, se souvient de son premier Ramadan. Il avait alors quinze ans.
« Mon premier vrai Ramadan, je l’ai fait à quinze ans. À treize ans, puis à quatorze ans, je m’y étais préparé en le faisant partiellement. Ma famille est pratiquante, et je m’inscrivais dans la tradition. À cet âge-là, on ne cherche pas vraiment les motifs spirituels. Mais on me faisait comprendre que ce serait bien que je commence à le faire, du moins en partie. Je jeûnais une demi-journée pour débuter. Quand on est jeune, ce n’est pas évident de résister à la tentation de manger et de boire. Mais j’avais vraiment la volonté de le faire complètement. On ne m’a rien imposé. Je ne vous cache pas que je manquais encore de repères par rapport à l’aspect religieux. Je ne maîtrisais pas tout.
Il y avait pour moi une notion intéressante : celle du dépassement de soi. On voyait les aînés le faire, et on voulait faire comme eux, tenir toute la journée. J’avais des copains de mon âge qui faisaient également le Ramadan. Quelque part, entre nous, il y avait un peu de compétition. Je me souviens que les premiers jours étaient difficiles. Très difficiles même. Quand tu es adolescent, que tu ouvres le frigo et que tu vois toute cette nourriture, toutes ces boissons, tu ressens évidemment beaucoup de frustration !
Le plus dur, c’était de ne pas boire. Je ne me rappelle plus à quelle époque de l’année j’avais fait mon premier Ramadan, mais la sensation de soif était omniprésente. Il faut plusieurs jours pour que le corps et le cerveau s’y habituent. Il y a des moments dans la journée où j’avais mal à la tête… Parfois, j’ai eu envie d’arrêter, de m’alimenter normalement. Mais il y a toujours quelqu’un dans ta famille qui te rappelle qu’il faut continuer, et que si tu romps le jeûne, Dieu ne sera pas content.
« Je m’alimentais la veille et le jour des matchs »
Bien sûr, les journées étaient longues. Mais le soir, quand arrivait la rupture du jeûne, c’était un grand moment de joie et de partage. Au début, on a tellement faim et soif qu’on se jette sur tout ce qui est sur la table. Et j’ai vite compris que c’était une erreur de me goinfrer, après avoir eu des maux de ventre. J’ai appris à me maîtriser, et à mieux espacer la prise de nourriture. C’est aussi un exercice de maîtrise de soi. À l’époque, je jouais bien sûr déjà au football, mais je n’avais pas encore intégré le centre de formation de l’AS Nancy. Évidemment, je m’alimentais la veille et le jour des matchs. Car il ne fallait pas mettre ma santé en danger. Surtout à cet âge.
Quand je jeûnais, je me souviens avoir avalé des steaks et des pâtes très tôt le matin pour pouvoir tenir toute la journée.
D’ailleurs, durant toute ma carrière professionnelle, l’arrivée du Ramadan était pour moi une période difficile à gérer, sauf quand j’étais avec la sélection du Maroc, où tout le monde le respectait et où on bénéficiait d’horaires aménagés. Car il y avait, d’un côté, mon rapport à la religion et, de l’autre, mes obligations vis-à-vis des clubs qui m’employaient. Quand on me demandait si je faisais le Ramadan, je répondais non. Je mentais un peu, car je m’alimentais normalement la veille et le jour du match. Il fallait pouvoir répondre aux attentes de mes employeurs. Je rattrapais les jours non jeûnés un peu plus tard. Et quand je jeûnais, je me souviens avoir avalé des steaks et des pâtes très tôt le matin pour pouvoir tenir toute la journée…
Aujourd’hui, mon fils aîné de 15 ans a décidé de faire le Ramadan totalement, pour la première fois. Il l’a décidé seul, et avec ma femme, nous lui apportons des explications sur sa dimension spirituelle. Comme il joue au foot dans un club, je préconise qu’il s’alimente normalement la veille et le jour du match.
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