La rancoeur monte parmi les séquestrés d’Ebola au Liberia

Reclus dans leur ville placée en quarantaine depuis plus de deux semaines, les 17.000 habitants de Dolo Town, près de l’aéroport international du Liberia, supportent de plus en plus mal leur enfermement dans cette « prison d’Ebola » à ciel ouvert.

Des habitants en quarantaine de Dolo’s Town à l’Est de Monrovia le 2 septembre 2014. © AFP

Des habitants en quarantaine de Dolo’s Town à l’Est de Monrovia le 2 septembre 2014. © AFP

Publié le 7 septembre 2014 Lecture : 3 minutes.

Les rues de Dolo Town, près de la plus grande plantation d’hévéas au monde, exploitée par le géant américain du pneu, Firestone, sont presque vides, à l’exception des files d’attente pour la distribution de rations de riz, sous le blocus assuré par des soldats, l’arme au poing.

La ville a été placée sous quarantaine le 20 août, en même temps que West Point, un bidonville de la capitale, Monrovia, à 75 km à l’ouest, et que l’imposition du couvre-feu dans tout le pays, qui compte pour plus de la moitié des 2.000 morts de l’épidémie en Afrique de l’Ouest.

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Isolement

Mais si à West Point, l’isolement, levé au bout de dix jours seulement, a provoqué des émeutes, à Dolo Town, la population a pris son mal en patience. "J’ai l’habitude de me battre pour apporter à manger à ma famille. Mais me voilà assis comme un gamin, à regarder ma femme et mes enfants toute la journée", fulmine Jallah Freeman, un charpentier de 56 ans, devant sa maison.

"J’en ai marre de cet isolement. Nous supplions le gouvernement de le lever", dit-il. La plupart des habitants sont employés par Firestone, dont la plantation couvre une superficie de 500 km2. "Nous ne pouvons plus aller travailler tant que que l’isolement est maintenu. C’est regrettable, mais que pouvons-nous faire? Nous sommes en prison", soupire Mohamed Fofana, qui travaille pour Firestone.

La compagnie, qui a installé une section d’isolement pour Ebola dans son hôpital, est parvenue à se prémunir de l’épidémie quand la femme d’un employé a été contaminée en avril. Mais la production a diminué depuis la mise en quarantaine.

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Trois décès par jour

Au marché, délocalisé à la périphérie de la ville, des femmes assises au bord de la route vendent du poivre, de l’huile, du poisson, du sel et des fruits. Les clients errent tristement d’étal en étal, en quête d’aliments en quantité déclinante. "Nous avons seulement le droit d’aller au point de contrôle, où nos familles de l’extérieur peuvent venir nous apporter la nourriture et les produits dont nous avons besoin", explique un commerçant, Kebeh Morris.

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"Nous voyons les camions apporter la nourriture, mais tout le monde n’en reçoit pas pour le moment. Nous n’avons pas encore de ticket, donc nous ne savons pas si nous aurons une ration alimentaire. Nous allons devoir compter sur nos parents pour nous apporter à manger", poursuit-il

Début août, avant la quarantaine, 30 personnes étaient mortes d’Ebola à Dolo Town, à raison de trois décès par jour en moyenne. A 90%, il s’agissait de fidèles d’une église du sud de la ville, un fief de l’ethnie Bassa, apparemment contaminés lors de l’enterrement d’un membre de leur congrégation.

Pris au piège

Aujourd’hui, les soldats qui ont barré l’entrée de la ville et patrouillent aux abords, surveillent également les funérailles pour s’assurer du respect des règles prophylactiques. Pourtant, beaucoup d’habitants restent sceptiques sur la présence d’Ebola parmi eux. "Cela fait deux semaines que le gouvernement a décrété la quarantaine et ils n’ont toujours pas emporté de malade d’ici. Nous n’avons encore vu aucun cas", assure Reginald Logan.

Nathaniel Kangar, un habitant de Monrovia, venu rendre visite à ses parents, s’est retrouvé pris au piège. "Je suis obligé de rester jusqu’à la levée de la quarantaine", dit-il. "Je respecte les décisions du gouvernement. Je suis d’accord sur le fait que le virus existe, mais pas avec la façon d’agir à Dolo Town". "Quand ils viennent chercher quelqu’un qui présente des symptômes comme les vomissements et le hoquet, ils ne reviennent pas nous dire le résultat du test", souligne-t-il.

Dans un cimetière de la zone habitée par les Bassa, le doute n’est guère permis. "Ils ne peuvent pas transporter des victimes d’Ebola et les enterrer comme ça", s’indigne Samuel Paygar, 61 ans, à la vue d’un véhicule gouvernemental amenant deux corps enveloppés dans des sacs, à quelques mètres d’un terrain où jouent des enfants. "Ils nous mettent en danger. Nous les arrêterons la prochaine fois", menace-t-il.

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